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[TRIBUNE] Terrorisme : Après la brutalité du choc et le deuil, il est urgent d’agir

13 novembre 2020

En ce 13 novembre, suite aux attaques, encore, à Nice et Vienne, Mounir Satouri*, député européen, et Pauline Nales**, déléguée EELV au Parti Vert Européen appellent à l’unité face à l’horreur. Après la brutalité du choc et le deuil, loin des discours guerriers et des politiques liberticides, l’Europe doit être un cadre alliant maintien de nos libertés et garantie pour notre sécurité.

Ma tribune dans Mediapart est à lire ici.

« Notre réponse est plus de démocratie, plus d’ouverture et plus d’humanité. Mais jamais de naïveté ». Nous faisons nôtres ces mots du Premier ministre norvégien, Jens Stoltenberg, au lendemain de l’attentat terroriste d’Utoya en 2011. Contrairement à ce que d’aucuns prétendent, nous n’assistons pas à un choc des civilisations mais observons la même haine chez les terroristes qu’ils soient islamistes ou ultranationalistes. Dans ces conditions, nous devons combattre cette intolérance en poursuivant inlassablement notre travail en faveur des droits fondamentaux et de l’égalité en Europe et au-delà.

Après la brutalité du choc, le deuil déchirant, s’ensuit la réflexion. Comme à l’accoutumée après ces terribles événements, fleurissent les récupérations sur tout le spectre de l’échiquier politique, en France comme en Autriche. Discours clivants, stéréotypants des milliers de nos concitoyen.ne.s, multiplication de politiques ultra sécuritaires, souvent liberticides, promesses du ‘plus jamais ça’… Et quels résultats ?

Dans un contexte international et national, social, sanitaire, économique, écologique hyper fragilisé, où jouer sur les passions, les peurs, les tensions est plus porteur que la recherche de solutions de fond et de long terme, on reste fébrile. Cette fébrilité pousse à chercher instinctivement une forme de protection, de repli sur soi, à se rassurer par l’identification de boucs-émissaires.  Les réseaux sociaux et les plateaux télé, dans les minutes et heures qui ont suivi les attaques, n’étaient qu’un fleuve de déclarations politiques guerrières, à faire frissonner, à attiser les colères. Et, à une virgule près, ce sont toujours les mêmes.  

Face à ces images impressionnantes et barbares en cascades, ponctuées par les vitupérations des un.e.s et des autres, par les propositions choc, toujours plus extrêmes, la question légitime se pose : qu’ont fait celles et ceux qui sont aux manettes ? Leurs discours grandiloquents, leurs mesures sécuritaires nous ont-ils protégés comme ils le promettaient ?

Les vieilles recettes, qu’on nous ressert, attaque après attentat, finissent par donner la nausée. Il est urgent d’explorer d’autres pistes, face à celles qui nous mènent dans le mur. En tant que citoyen.ne.s, nous ne supportons plus l’échec de politiques qui clivent, entravent nos libertés et in fine, ne nous assurent même pas ce qu’elles prétendent nous offrir : la sécurité.

Il est en effet évident que nos frontières nationales ne sont ni pertinentes ni efficaces pour apporter une réponse mesurée. Ces attaques terroristes interpellent l’Europe dans son ensemble, nous appelons l’Union Européenne à y répondre pour notre sécurité commune.

Il conviendrait d’abord d’avoir l’ambition d’une politique étrangère cohérente et basée sur l’état de droit. Rappelons que les premières victimes du terrorisme islamiste se trouvent précisément dans des pays musulmans et que nous sommes bien peu efficaces à les protéger. Renforcer l’interdiction des exportations d’armes vers des Etats peu respectueux des droits humains, privilégier des accords commerciaux équilibrés, s’engager davantage dans les missions civiles de maintien de la paix, mieux financer l’aide au développement : priorisons tout ce qui pourrait éviter au terrorisme de prospérer sur la misère humaine et les conflits et rappelons que les capitales européennes sont souvent promptes à blâmer l’Europe pour des échecs que leurs propres politiques nationales imposent.

La politique migratoire actuelle en constitue une triste illustration. En faisant porter le fardeau de la gestion de ses frontières extérieures à des pays voisins, l’Union Européenne finance des centres de rétention aux conditions inhumaines à ses portes. Elle externalise des violations massives des droits humains et contribue à la radicalisation en se privant d’assurer sa sécurité en contrôlant ses frontières extérieures : une politique à la fois coûteuse, criminelle et inefficace.

Il conviendrait ensuite de mettre fin à la surveillance de masse. Nous dénonçons la surenchère dans la collecte et le stockage des données à grande échelle comme seule réponse de l’Union Européenne. Pas uniquement par principe pour le danger que cela représente pour nos libertés mais aussi par pragmatisme pour le coût et l’inefficacité prouvés de ces mesures. Nous appelons à renforcer les effectifs de la police, des renseignements et de la justice avec un maillage humain, de proximité, resserré. Une surveillance ciblée en lieu et place d’une suspicion généralisée.

Nous portons également l’idée d’une meilleure coopération policière en renforçant l’échange d’informations entre Etats membres et les moyens des agences responsables (Europol et Eurojust). Sur la période 2014-2020, l’Union Européenne a dépensé en moyenne 2,5 milliards d’euros chaque année pour la sécurité. Les écologistes suggèrent une augmentation à 4 milliards par an, soit une hausse de 58%. Il nous faut aller au-delà en nous attaquant aussi au nerf de la guerre : les flux financiers illicites. La création d’une police financière européenne et d’une cellule européenne de renseignements financiers aiderait à cibler les sources de financement des réseaux criminels. S’il nous faut les moyens de nos ambitions, il nous faut aussi créer de la confiance : nous sommes en faveur de la création d’un « Erasmus de la police ». Un programme destiné aux jeunes policiers sur le terrain pour qu’ils participent à des équipes communes d’enquêtes dans d’autres Etats membres afin de créer une culture commune et de favoriser l’échange de bonnes pratiques.

Enfin et surtout, nous sommes convaincu.e.s par la nécessité de prioriser des politiques de prévention. Financer massivement des politiques d’éducation, de formation et d’inclusion sociale constitue notre meilleure réponse. Comment comprendre que l’on dépense des milliards pour les armes, les contrôles aux frontières, des outils technologiques toujours plus invasifs et que parallèlement, si peu soit investi dans les prisons ou encore dans la réinsertion ? Il est urgent d’améliorer la formation des personnels en milieu carcéral, s’agissant de la radicalisation, et de l’extrémisme. Enfin, les écologistes le réclament depuis longtemps, nous demandons à ce que pour chaque euro dépensé en mesures de sécurité et opérations extérieures, un euro soit consacré à des programmes de cohésion sociale, de prévention de la violence et d’éducation.

Il est évident que les politiques appliquées jusqu’à aujourd’hui se sont révélées inefficaces et donc – malgré des discours toujours plus musclés et guerriers – dangereuses. Au nom de la lutte contre le terrorisme, pour notre sécurité mais aussi pour la liberté de nos concitoyen.ne.s, il est urgent d’agir autrement.

 

*Mounir Satouri, député européen est membre de la sous-commission « sécurité et défense » au Parlement européen
**Pauline Nales est déléguée EELV au Parti Vert Européen et attachée territoriale à la Métropole Nice-Côte-d’Azur

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