30 ans de l’accord UE-Tunisie : L’Europe doit revoir son partenariat

20 novembre 2025

Avec EuroMed Rights, la FIDH et le CRLDHT , j’ai organisé une journée de conférence au Parlement européen, pour donner la parole aux représentants de la société civile tunisienne et à des experts, afin d’évaluer le partenariat entre l’UE et la Tunisie et de réfléchir aux suites à donner face à la dictature qui s’est installée. L’UE doit exiger une réorientation profonde de ses relations avec Tunis !

Le régime de Kaïs Saïed a engagé depuis 2021 une dérive autoritaire, raciste et répressive qui contredit frontalement l’esprit même de l’accord d’association qui lie la Tunisie et l’Union européenne. Cet accord est censé être fondé sur l’État de droit, la démocratie et les libertés fondamentales, qui sont pourtant bafouées depuis le coup d’État constitutionnel de Kaïs Saïed. Ne pas agir, comme nous le faisons depuis 2021 revient à être complice des violations des droits de la société civile tunisienne et des droits des migrants qui sont attaqués en mer ou dans le désert. L’UE a un levier pour agir et faire pression pour garantir le respect des droits dans le pays. Cinq pistes d’actions principales existent.

Tout d’abord, l’UE doit exiger la fin immédiate de la répression intérieure. Elle doit demander la libération des opposants politiques, des journalistes, syndicalistes, avocats et défenseurs des droits humains détenus arbitrairement. Il faut aussi exiger la fin des poursuites judiciaires contre les voix critiques, notamment celles accusées de “complot” ou “atteinte à la sûreté de l’État”. A ce titre, je réitère mon appel à la libération de l’avocate Sonia Dahmani. Il faut aussi rétablir des garanties constitutionnelles et de l’indépendance de la justice, démantelées depuis les décrets présidentiels de 2021–2022. 

L’Union doit aussi condamner et mettre fin à la politique raciste anti-africaine, en exigeant l’arrêt immédiat des violences, rafles et expulsions illégales contre les migrants d’Afrique subsaharienne. Toute coopération future doit être conditionnée au respect des droits humains. Il faut également demander une enquête indépendante sur les violences policières et les abandons dans le désert à la frontière avec la Libye.

L’Union doit suspendre le “memorandum migratoire” tant que les violations persistent. Ce deal UE–Tunisie de juillet 2023 viole notre propre législation et finance indirectement la répression. De toute urgence, il faut le suspendre, exiger une traçabilité totale de toute aide financière, et mettre en place un mécanisme indépendant de monitoring des droits humains sur les opérations financées par l’UE.

L’UE doit réorienter l’aide économique vers la société tunisienne, pas vers l’appareil sécuritaire. Le soutien doit être dirigé vers l’économie réelle, les PME, les services publics, la transition écologique, la jeunesse. Notre soutien financier ne doit pas renforcer un régime autoritaire. Il doit être conditionné strictement à des critères vérifiables de bonne gouvernance. L’UE doit soutenir les acteurs démocratiques, syndicaux, associatifs, qui subissent une pression croissante.

Enfin, l’UE doit mettre en place un cadre politique clair : pas de normalisation de l’autoritarisme ! Nous devons revenir à une politique d’engagement conditionnel abandonnée, de fait, ces dernières années. L’accord d’association est fondé sur des valeurs non négociables ! Nous devons inscrire publiquement le dialogue UE–Tunisie dans une perspective de retour au constitutionnalisme, à la séparation des pouvoirs, à la fin de la violation généralisée des droits humains, et à un pluralisme politique réel.

En définitive, à l’occasion des 30 ans de l’accord d’association, l’UE doit arrêter de cautionner un régime autoritaire et réaffirmer clairement que la relation UE–Tunisie ne peut se construire que sur le respect des droits humains, de la dignité humaine et de la démocratie.

Mounir Satouri

 

 

 

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