5 ans après Fukushima, les intérêts de l’industrie nucléaire ne sont pas ceux des citoyens, ni ceux de nos voisins

11 mars 2016
Tribune de Michèle RIVASI parue dans le Huffington Post ce vendredi 11 mars 2015 à l’occasion du cinquième anniversaire de la catastrophe de Fukushima.
Il y a cinq ans, l’explosion de la centrale de Fukushima et la fusion des cœurs de ses réacteurs brisaient le mythe du nucléaire comme source d’énergie sûre et maîtrisée. Ceux qui prétendaient que Tchernobyl n’était que le résultat de l’incurie soviétique se retrouvaient sans argument, le Japon étant le pays de l’excellence technologique.

Un désastre créé par l’Homme, et non par une catastrophe naturelle

La catastrophe de Fukushima a révélé à la face du monde ce que le lobby nucléaire avait toujours pris soin de cacher: la maîtrise des risques est impossible, surtout quand on les minore par excès de confiance. La digue de protection de la centrale n’était pas assez élevée et les générateurs de secours se retrouvaient noyés, faute d’avoir sous-estimé la puissance de la nature dans un pays pourtant connu pour ses tremblements de terre légendaires. Les conclusions de la commission d’enquête parlementaire sur la catastrophe de Fukushima sont claires: c’est un désastre créé par l’Homme, et non par une catastrophe naturelle.

J’ai une pensée émue pour les victimes du tsunami, évidemment, mais encore plus pour les victimes de Fukushima, car elles auraient pu être évitées. Rendons-nous compte que 160.000 personnes ont dû fuir les territoires contaminés et qu’aujourd’hui les autorités font tout pour les faire revenir. En effet, le gouvernement japonais a décidé de lever tous les ordres d’évacuation avant mars 2017. Et après mars 2018, les victimes délocalisées ne toucheront plus d’indemnisations sauf pour celles et ceux qui vivaient dans les zones dites de retour difficile. Et cela sans même un semblant de concertation avec les populations concernées, alors que les niveaux de radioactivité ambiante sont équivalents à l’exposition des travailleurs du nucléaire, vingt fois supérieures au seuil tolérable. Cumulée sur des années, une telle exposition menace directement la santé des Japonais.

L’omerta, sceau de l’industrie nucléaire

L’omerta étant le sceau de l’industrie nucléaire, nous apprenons encore aujourd’hui des faits cachés à l’époque: les responsables de Tepco ont récemment reconnu qu’ils avaient caché la fusion des cœurs de réacteur pendant trois mois. Un manque de transparence qui a empêché la mise en place légitime d’une grande coalition internationale pour aider le Japon à gérer la catastrophe.

Côté démantèlement, le travail n’a toujours pas pu commencer et le désastre nucléaire continue à peser sur les épaules des Japonais. Malgré la présence de 8000 travailleurs sur le site de Fukushima Daiichi, on continue à bricoler: des centaines de tonnes d’eau contaminées rejoignent la mer chaque jour, alors que l’on stocke tant bien que mal l’eau récupérée dans des milliers de citernes de fortune, qui fuient elles aussi. La catastrophe peut reprendre de plus belle à chaque tremblement de terre ou tsunami car les réacteurs sont fragilisés.

Un État dans l’État

Selon le président de la commission d’enquête parlementaire, « la complaisance, l’absence de remise en cause de la hiérarchie, la collusion et la culture de groupe » sont des raisons sous-jacentes du désastre nucléaire. Et il est difficile de ne pas se sentir interpellés par cela en tant que Français, car c’est exactement le problème dont souffre notre pays. Le Corps des Mines règne en maître sur la stratégie énergétique française, empêchant toute remise en cause de la doctrine nucléaire. À tel point qu’en France, on a presque tort de parler du lobby nucléaire: les intérêts de cette industrie noyautent le cœur du pouvoir à tel point qu’on peut considérer l’industrie nucléaire française comme un État dans l’État.

La suite à lire sur le site du Huff Post

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