Azawad : Une logique de rapport de forces
L’existence d’une mouvance islamiste extrémiste au Sahel répond à une réalité objective dans tout le nord de l’Afrique, de la Tunisie à l’Algérie, en passant par la Libye ou l’Egypte. Elle n’est pas de nature différente, et elle s’est cristallisée bien avant la rébellion armée victorieuse du pouvoir militaire de Bamako à travers un dirigeant touareg historique, Iyad ag Ghaly, héros des révoltes de 1990, qui a été ensuite plusieurs années durant ambassadeur en Arabie Saoudite. Ce mouvement est incontestablement de nature « touarègue », mais le tournant intégriste des dirigeants d’Ansar Dine les isole d’une population aux traditions de grande tolérance religieuse. Ils ont donc probablement intérêt à s’éloigner de ses éléments les plus fanatiques, proches d’AQMI.
Difficile d’analyser le rapport de forces entre les deux mouvements. Ce que l’on sait de façon certaine, c’est que le MLNA a reçu le renfort des Touaregs revenus de Libye avec des moyens militaires importants en hommes et en matériels, et que c’est cela qui a renversé le rapport de forces avec le pouvoir en place et permis la victoire de la révolution. Ce qui apparaît aussi de façon certaine c’est que l’implantation d’Ansar Dine parmi les tribus touaregs est loin d’être factice, et que ce mouvement dispose de moyens réels et de soutiens internationaux souterrains qui l’aident financièrement, alors que le MLNA apparaît isolé sur la scène internationale.
Le risque d’affrontement était réel, et il aurait été dévastateur pour les Touaregs. Restait donc une seule option, la négociation d’un accord permettant de consolider la situation interne. En créant un « Conseil National Transitoire », qui reprend très exactement la terminologie retenue en Libye pour assurer la transition au sommet de l’État par le regroupement les différentes composantes des forces qui se sont opposées à Khadafi, le MLNA et Ansar Dine dotent l’Azawad d’une autorité politique capable de stabiliser le territoire.
La principale question sera celle du rapport de cette autorité gouvernante à l’organisation terroriste AQMI, affiliée à Al Qaïda et formée de combattants étrangers aux peuples de la zone, notamment les Touaregs. Ils détiennent des otages occidentaux, et toute diplomatie passera par un règlement de cette question cruciale. Pour l’heure, les diplomaties française ou européenne sont forcées au pragmatisme, comme le souligne l’un d’entre eux au Figaro : « Cela peut être une possibilité d’avancer vers une solution politique et de voir les Touaregs mettre à l’écart AQMI. De toutes façons, nous n’avons pas d’autre choix car l’armée malienne n’existe plus et personne ne semble en mesure de la remplacer. » Ce même article cite le médiateur de la Cédéao (Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest), Djibrill Bassolé, qui, tout en s’opposant à l’idée d’une partition du Mali, « salue toute dynamique allant vers la cohésion entre les différents mouvements armés, l’essentiel étant que ce groupe prenne l’option d’une solution négociée au conflit ».
En fait l’évolution de la situation dépendra beaucoup de la communauté internationale et de sa capacité à établir le dialogue avec le mouvement touareg. Selon que ce dialogue s’enclenche ou non, le rapport de forces entre les différentes composantes de la société de l’Azawad évoluera de façon radicalement différente.
F.A