Connie Hedegaard : « Dans les pays en développement, les femmes sont davantage victimes du changement climatique »
Nicole Kiil-Nielsen : Selon vous, en quoi la dimension de genre est-elle pertinente pour le changement climatique ?
Connie Hedegaard : C’est extrêmement pertinent. J’ai vu dans le monde de multiples exemples de la façon dont le changement climatique impacte la vie des femmes. Au Bangladesh, quand un cyclone frappe, les femmes restent dans les maisons car elles n’ont pas le droit de sortir sans leur mari. Le nombre de victimes chez les femmes est donc beaucoup plus important que chez les hommes. C’est juste un exemple. Il est très important de penser : « Comment communiquer les prévisions météorologiques aux femmes ? Comment les atteindre, quand ce sont les hommes qui ont les téléphones portables et qu’ils sont en dehors du village pour aller travailler ? » Ce genre de réflexion est très importante dans nos politiques, notamment les politiques d’adaptation.
Le genre n’est pas intégré systématiquement dans les politiques européennes sur le changement climatique. La Commission est-elle prête à adopter une approche genrée systématique dans ce domaine, et quelles pourraient être les étapes concrètes pour y parvenir ?
Les politiques de développement sont particulièrement importantes et nous devons systématiquement inclure le genre et le changement climatique, et les intégrer ensemble dans une vision du développement durable. Quand on parle de changer de politique énergétique, ici, dans l’Union européenne, on doit faire attention à ne pas rendre cela trop artificiel. Ce serait difficile de trouver une dimension de genre tout le temps. Par exemple cet été, il y a eu des inondations en Suède et au Danemark, mais ce serait très difficile de trouver une différence de genre. On doit le faire lorsqu’il y a de fortes raisons de le faire, mais les inégalités doivent être gérées au travers d’autres politiques : emploi, éducation… Le projet de « gender mainstreaming » dans le changement climatique doit surtout se concentrer sur les pays en développement.
Il manque des femmes dans les domaines technique et scientifique qui sont fondamentaux pour la mitigation et l’adaptation. Comment l’UE peut-elle encourager les femmes à étudier ces matières ?
Je pense qu’il est très important d’attirer plus de femmes vers les sciences naturelles. Peu importe comment on regarde le problème du changement climatique, les sciences naturelles sont au coeur de cette problématique. Si vous êtes une femme, vous pourrez peut-être voir les différents angles qui touchent plus les femmes. Donc c’est quelque chose que l’on doit faire : attirer plus de femmes vers les sciences naturelles. Et bien sûr, avoir aussi plus de femmes dirigeantes.
Réactions des expertes :
Gotelind Alber (Women for Climate Justice) : « C’est encourageant de voir que la Commissaire souhaite faire plus pour le genre dans la politique de développement mais il était frustrant de voir que la Commission ne souhaite pas aller voir les aspects de genre dans la mitigation et des politiques climatiques en Europe. Si on ne regarde pas de ce côté, on risque d’avoir une politique moins efficace, notamment sur le long terme. On doit réduire les émissions, disons de 80%, ça signifie que toute la société va devoir changer. On a besoin de tout le monde pour ce changement, il faut donc s’adresser aux femmes, et aux hommes. »
Liane Schalatek (Heinrich Böll Foundation North America) : « Là où l’UE a une opportunité d’être au premier plan et d’être un leader mondial, c’est dans quelques semaines, à Durban, si elle pousse pour un engagement financier fort pour la lutte contre le changement climatique, qui prenne en compte les aspects de genre ; et qu’elle s’assure que lorsque l’on parle des moyens financiers, pour aider les pays en développement à s’adapter et à réduire les émissions, ces moyens incluent une dimension de genre. Il y a une opportunité pour les Etats membres de l’UE, et les observateurs, de pousser dans le bon sens pour les négociations du Green Climate Fund qui doit être présenté à Durban et de s’assurer que le genre est inclus dès le début comme un des sujets transversaux. On peut éviter de répéter les erreurs du passé, où la question du genre était soit absente, soit intégrée a posteriori, comme un ajout, et pas de façon complète et transversale. »