Crise : Un nouveau durcissement

17 mai 2012
L’élection présidentielle française a été un nouvel avatar des effets de la crise économique. Car au delà des débats fictifs qui alimentent la sphère médiatique, Nicolas Sarkozy, comme d’autres dirigeants avant lui, a été battu car les espoirs de son mandat ont été annihilés par trois années de récession économique.
Comprenons bien les chiffres qui nous sont donnés. Une croissance faible de 1% comme la connait la France est un trompe l’œil car, dans le même temps, les comptes publics, qui pèsent 50% du Produit Intérieur Brut, accusent un déficit de 5%. La croissance affichée n’est alors que l’effet de ce déficit qui a puisé dans le bas de laine du pays pour favoriser la consommation des ménages.

Quand la croissance est négative comme en Grèce, de l’ordre de 4%, et que, de surcroît, le déficit public flirte avec 8-10%, cela veut dire que l’appauvrissement du pays est encore bien plus profond que ce que le premier chiffre laisse penser. Ajoutons que ce sera en 2012 la quatrième année consécutive de récession, et on comprend alors toute la désespérance qui frappe les plus démunis.

Utilisons une comparaison pour bien réaliser l’ampleur des effets de la crise. La France serait comme un ménage qui dépensait 10 unités de consommation avant la crise pour satisfaire à ses besoins, et disposait d’une réserve d’économies de 10. Au bout de quatre années, il a maintenu son niveau de vie en dépensant encore 10 unités de consommation, mais, pour cela, sa capacité épargnée a été diminuée de 30%, de 10 à 7. En Grèce, la réserve était de zéro dès le début de la crise, si bien que le ménage qui dépensait 10 unités de consommation en 2008 n’en dépense plus que 7 aujourd’hui, et cela diminue tous les ans, malgré les effacements de dette consentis lors des plans d’aide acceptés successivement par l’Union Européenne. Sans eux, la chute aurait été plus brutale (un an au lieu de trois), et plus profonde encore, avec un pouvoir d’achat divisé par deux, et encore. Voilà résumés de façon schématique les effets de la crise pour des populations qui, faute de solutions crédibles, s’en prennent à leurs dirigeants qui ont failli dans leurs prévisions et leurs anticipations en les démettant à la première élection venue. Nicolas Sarkozy n’y a pas échappé, et Angela Merkel, à nouveau sonnée par une élection calamiteuse pour sa majorité dans le land le plus peuplé d’Allemagne, ne devrait pas y échapper non plus.

Là où la crise se durcit désormais, c’est que, après avoir déstabilisé ceux qui n’avaient aucune réserve pour résister dès le début (la Grèce, et dans une moindre mesure l’Irlande et le Portugal), elle touche désormais ceux qui arrivent au bout de leurs réserves comme l’Espagne et bientôt l’Italie. La France, si son économie ne repart pas au delà d’une croissance alimentée en puisant dans ses propres réserves, suivra mécaniquement le même chemin.
Mais un fait nouveau est encore plus préoccupant : les Pays Bas, un des traditionnels « contributeurs nets » du budget européen en raison de sa bonne santé économique, viennent eux aussi de lancer un signal d’alerte en entrant en récession. Et la raison de cette récession est significative, puisqu’elle tient pour beaucoup à la baisse d’activité du port de Rotterdam qui monopolise la moitié de l’activité portuaire européenne. Ce signal montre que la crise franchit un cran en menaçant désormais les économies riches dont la prospérité exportatrice est avant tout liée à la bonne santé économique de leurs clients. Or les clients de l’Allemagne, des Pays-Bas, de la Scandinavie sont avant tout les autres pays européens qui, en s’enfonçant dans la crise, achètent beaucoup moins, ce qui impacte en signe avant coureur le port de Rotterdam par où transitent toutes les matières premières qui alimentent la machine productive du Nord de l’Europe.

Désormais, c’est un fait avéré : sans solidarité européenne face à la crise, c’est toutes les économies européennes qui seront emportées selon un effet domino dont les plus prospères, au nord, feront les frais à leur tour une fois le sud définitivement assommé. Y a-t-il une solution raisonnable pour stopper cet engrenage ? La possibilité tient à un chiffre simple. L’Europe fait face à une dette cumulée de 10.000 milliards d’euros pour un Produit Intérieur Brut de 15.000 milliards d’euros (soit une dette à 66% du PIB), quand les Etats Unis ont un déficit de 15.000 milliards de dollars pour un PIB de 15.000 milliards de dollars (dette de 100% du PIB). Dès lors, pas besoin de sortir des Hautes Etudes Economiques pour imaginer que l’Europe devrait s’en sortir plus facilement que les USA. Or c’est le contraire que l’on observe car la dette n’est pas uniformément répartie entre les pays d’Europe, et, pour ceux où elle est concentrée, impossible de s’en sortir seuls !

La seule solution c’est le fédéralisme européen, c’est à dire la mutualisation de la dette entre les différentes économies européennes pour que toutes les zones puissent repartir en relançant leur développement économique, sur des bases nouvelles, la conversion écologique proposée par les Verts étant le seul levier à ce jour disponible. Mais il faudra bousculer l’establishment économique européen pour cela.

Il est un autre « réservoir de croissance » au voisinage immédiat de l’Union Européenne. Il est justement lié au sort des 500 millions d’habitants des rives de la Méditerranée, dont 150 millions à l’intérieur des frontières de l’Union Européenne. Or, selon un paradoxe absolu, c’est la crainte de l’avenir dans cette zone qui explique les réticences du nord de l’Europe à s’engager dans le fédéralisme européen. Alors que, justement, tant pour sa rive européenne que pour sa rive sud en plein devenir au lendemain du printemps démocratique de 2011, il est vital de jeter dès maintenant, avant que des déstabilisations irréversibles ne se produisent, les bases d’un avenir partagé.

L’année 2012 sera l’année du grand défi pour l’Union Européenne. Le fédéralisme est son seul avenir possible, et, pour les Etats, la sortie de l’Europe n’est une solution pour personne, on le voit en Grèce. Paradoxalement, l’irruption de la crise dans les pays du Nord devrait les engager plus facilement vers la solution fédérale européenne.

François ALFONSI

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