Crise économique
C’est à ce jeu de yoyo que l’économie mondiale s’est livrée depuis un an et l’irruption de la crise financière. D’un côté, la chute de l’économie mondiale, avec, à la clef, de nombreuses faillites. De l’autre, les finances publiques qui ont injecté tout ce qu’elles pouvaient pour enrayer cette chute, en n’hésitant pas à mettre sous perfusion des secteurs entiers de l’économie. Le système bancaire directement renfloué est la partie la plus visible de l’iceberg. Mais c’est aussi tout le secteur automobile qui a été mis sous la perfusion d’une « prime à la casse » pour soutenir artificiellement son activité, le secteur des travaux publics, principal bénéficiaire des « plans de relance » encouragés au niveau de chaque collectivité, et autres mesures ponctuelles. Aussi, maintenant, c’est du côté des finances publiques que la crise menace.
Car le « creusement des déficits publics » n’a rien d’une formule abstraite qui passe au dessus des têtes de la plupart d’entre nous. Les caisses des Etats n’ont à dépenser que les économies réalisées lors des années précédentes et elles ne se sont pas infinies. Une fois ces limites atteintes, il faudra bien en prendre conscience, comme une éponge que l’on presse très fort et mais qui ne libère plus que trop peu de liquide. L’heure sera alors à la rigueur. C’est un peu comme un ménage qui ayant perdu son emploi continue à maintenir son niveau de vie en puisant dans son bas de laine jusqu’à épuisement.
Comment évoluera l’automobile quand la prime à la casse cessera de « doper » la demande ? Et tous les secteurs économiques qui en dépendent ? Idem pour la construction et les travaux publics, etc… et, au bout de la chaîne, pour le pouvoir d’achat global et donc pour tous les autres secteurs de l’économie, commerce, tourisme, etc… Les signes sont là : l’économie mondiale est arrivée au bout de sa réponse à la crise par le creusement des déficits.
Dans le monde de la finance, il ressort deux catégories de « victimes de la crise » : ceux qui, largement renfloués, ont prospéré à nouveau ; et ceux qui ne s’en relèveront pas. Car le système capitaliste n’a pas d’état d’âme. Les « actifs initiés » ont été rapatriés sur les établissements qui resteront debout, tandis que les « petits épargnants » restés fidèles à leurs banques prieront pour que les chefs de gouvernement tiennent leur parole de préserver leur épargne même en cas de déconfiture de l’établissement où elle est déposée. On en reviendrait au cauchemar de la crise de 1929 quand les files d’épargnants faisaient la queue aux portes des banques pour retirer le pécule de toute une vie. Sarkozy a juré que pas un seul épargnant français ne perdrait un euro. Tiendra-t-il cette promesse ? Tant qu’il le pourra, oui, mais s’il ne le peut plus ? Or dès aujourd’hui, la crise des déficits publics met cette parole en doute. Où trouvera-t-on l’argent s’il est déjà dépensé ?
En Islande, ses homologues ont abandonné indirectement leurs épargnants en dévaluant de 70% la couronne islandaise : les économies de toute une vie valaient dix, du jour au lendemain elles ne valent plus que trois ! On comprend mieux pourquoi les Islandais veulent rejoindre l’Europe dare-dare ! Idem dans les pays baltes et la Hongrie où l’on a dévalué de moitié. Leur appartenance à l’Union Européenne ne les a pas épargné !
Ils étaient hors zone euro, et la zone euro tient à peu près le coup, malgré une Espagne déboussolée et une Irlande à la diète. Mais, à l’intérieur de la zone euro, il faudra tenir son rang en termes de performances économiques, sinon gare au chômage ! Les « petits européens » de la zone euro garderont leurs économies, mais nombreux sont ceux qui perdront leurs emplois. Et pour tous, le pouvoir d’achat sera amputé par les nouvelles politiques publiques, prélèvements à la hausse et dépenses publiques à la baisse.
Que cela présage-t-il pour la Corse ? La baisse du pouvoir d’achat global de la zone euro, 95% de la clientèle touristique insulaire, ne peut rester sans effet sur son activité. Et la tension prévisible sur les dépenses publiques affectera le second pilier de l’économie insulaire en entraînant la réduction de l’emploi public, des subventions et des travaux publics. En 2009, à l’an 1 de la crise, la Corse s’en est plutôt mieux sortie que le reste car la réponse des Etats a été d’injecter de l’argent public, tandis que la réorientation de la consommation touristique a fait privilégier les destinations moins lointaines. En 2010, on rentre dans la phase 2, beaucoup plus inquiétante pour nous.
Jusqu’à quand la contraction global du pouvoir d’achat restera sans affecter le niveau local des dépenses touristiques ? En tous les cas la Corse doit veiller à préserver son rapport qualité prix qui, nous le savons bien, tient davantage au prestige de ses sites préservés qu’au niveau global des prestations offertes. Merci la loi littoral !
Et quant à l’argent public, plus il devient rare, plus il importe de l’utiliser dans les projets réellement structurants, et porteurs d’avenir pour notre économie. C’est aussi un des enjeux du Galsi qui, au jour d’aujourd’hui, est manifestement l’investissement le plus porteur que la Corse ait à décider.
François ALFONSI