Crise économique, l’heure de vérité

10 mai 2010
A l’époque, on ne parlait que de la Grèce, et de « 45 milliards nécessaires pour son redressement ». Mais Arritti l’avait souligné : « décision a été finalement prise de recourir au FMI pour maintenir la Grèce à flot, et donc la stabilité de l’euro. Voilà qui en dit long sur ce qui se profile à l’horizon : les Etats européens savent déjà qu’ils ne pourront surmonter seuls la crise économique qui continue en Europe ».

De fait, comme Arritti l’avait annoncé, les questions du Portugal et de l’Espagne sont rentrées dans le bal, et, depuis, l’Europe a le tournis. C’est 110 milliards qu’il faut pour la seule Grèce, et non 45 milliards, et, en un seul week-end, l’Europe a refait ses comptes en mobilisant 750 milliards d’euros, dont 250 promis par le FMI pour enrayer la spirale d’une faillite de l’euro. Derrière les chiffres colossaux, dont on réalise mal la réalité concrète, on voit bien le problème, celui d’une crise européenne sans précédent, et, dans le même temps, celui d’une réponse réellement de dimension européenne, puisque le montant de ce plan de soutien rejoint celui -700 milliards- débloqué par les USA au plus fort de la crise des subprimes pour renflouer leur système bancaire. Quand l’Europe se hisse au niveau des USA, c’est qu’elle se projette au niveau requis par sa dimension de continent économique développé !
L’objectif de ce plan est de garantir à chaque Etat de l’Union Européenne, y compris les plus mal en point, l’accès à un taux de crédit suffisamment bas pour financer leurs besoins de trésorerie, taux rendu possible par la garantie apportée par les autres Etats de l’Union. Soulagés d’intérêts faramineux, ces Etats peuvent alors espérer redresser leurs comptes en prenant des mesures d’économies. Sinon, les économies réalisées n’auraient eu pour effet que de rembourser les intérêts massifs des prêts de trésorerie, sans rien rembourser ou presque du passif accumulé. Ne pouvant sortir de leur dette, ces Etats étaient menacés de faillite, comme cela a été le cas de la petite Islande. L’Islande a du dévaluer sa monnaie de 75%, façon artificielle de diviser sa dette par quatre, tout faisant supporter le poids de cet « ajustement » à la population dont les salaires et les avoirs dans les caisses d’épargne se trouvent eux aussi divisés par quatre face aux devises comme l’euro ! Mais en Grèce, la monnaie, c’est déjà l’euro, et aucune marge de manœuvre n’est donc possible. D’où la « solidarité forcée » des autres Etats membres.
Aussi, ce plan est l’occasion d’une avancée importante pour l’Europe dans le sens d’une gouvernance solidaire et fédérale. Comme aux Etats Unis, les Etats riches se trouvent ainsi sollicités en soutien des Etats en difficulté car tous sont tributaires d’une même monnaie. Autre innovation intéressante, une partie de ces sommes sera dégagée par la capacité d’emprunt propre du budget européen, ce qui ouvre -enfin- des perspectives nouvelles à l’Union Européenne et renforce son rôle économique.

Mais, ces 750 milliards d’euros, il faudra bien les trouver quelque part ! La question est posée à ceux qui devront les emprunter, et donc les rembourser, et les Grecs en savent déjà quelque chose ! Le plan de rigueur qui leur est imposé est sans précédent dans une zone euro jusque là marquée par une confortable prospérité. Et nul ne peut garantir vraiment que cela suffira. Ce serait alors les « contributeurs », c’est à dire les autres Etats de l’Union, qui devraient renoncer à leur remboursement par la Grèce, tout en assumant de leur côté la contrepartie aux créanciers. Cette perte nette devra alors être compensée, et d’ores et déjà les finances publiques des plus riches doivent donner des garanties de solvabilité à terme en cas de défaillance des Etats secourus. La rigueur est en fait au programme de toute l’Europe !

Cette rigueur se décline aussi à l’intérieur des Etats. Actuellement par exemple la Polynésie française se débat dans une crise budgétaire forte, avec des caisses vides. Les agences de notation ont dégradé sa « note » de plusieurs niveaux, la passant de AAA- à BBB-, ce qui lui interdit ou presque l’accès au crédit. Le plan prévu consiste à débaucher une partie des sur-effectifs de l’administration locale, embauchés lors des joutes électorales successives, disputées entre des forces qui sont arrivées successivement au pouvoir, tandis que des investissements mal pensés ont asséchés les caisses de la Collectivité, conduisant le territoire à la « cessation de paiement ». Et l’Etat est là, maîtrisant les renflouements attendus, pour garder le contrôle sur un archipel où les indépendantistes (Oscar Temaru) sont incontournables.
Dans l’Europe d’aujourd’hui, surtout quand il faut affronter le monstre jacobin français, il y a donc une condition capitale : le chemin vers l’autonomie et la souveraineté est tout autant un chemin politique qu’un chemin économique et financier. A l’heure où les conditions politiques sont sans doute réunies pour relancer le processus vers l’autonomie de la Corse -même José Rossi y a mis son grain de sel !*-, les nationalistes corses doivent prendre cette question économique très au sérieux, et à bras le corps.

François ALFONSI

* voir Corsica de mai 2010

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