D’une crise étudiante l’autre
Chaque semaine, Daniel Cohn-Bendit livre ses pensées à l’hebdomadaire français Le Nouvel Observateur.
Ici se situe l’origine de crise estudiantine au Québec, comme elle le fut aussi à l’automne 2010 en Angleterre. Pour délester leurs budgets nationaux du coût représenté par une éducation de qualité et démocratisée, les gouvernants entonnent une doxa néo-libérale selon laquelle l’université doit être remodelée sur une base entrepreneuriale où l’on applique aux étudiants le fameux principe de l’utilisateur-payeur et où celle-ci est mise au service direct des entreprises privées. Cette approche est évidemment très dommageable au savoir global et productrice d’externalités négatives sur le long terme. Si la demande de produire plus de formations offrant des débouchés professionnels aux étudiants a sa légitimité, elle ne peut cependant devenir l’alpha et l’oméga de l’université de demain. Celle-ci doit aussi être un lieu de prolifération des connaissances et un instrument de justice sociale.
Les gouvernants actuels gagneraient à relire les travaux du philosophe John Rawls sur ce sujet. Pour Rawls, le système d’éducation incarne le principe même de l’égalité des chances et c’est, à ce titre, que l’université doit être considérée comme une institution servant le du bien commun. L’éducation n’est pas un produit de luxe réservé à ceux qui peuvent se l’offrir et ne poursuivent que leurs seuls intérêts personnels de carrière.
Puisqu’il faut trouver de nouvelles ressources pour les universités en ces temps de disette, je suggère qu’on retourne le fameux principe de l’utilisateur-payeur des néo-libéraux en posant la question suivante : Qui sont aujourd’hui les vrais bénéficiaires d’une université qui produit une main-d’oeuvre hautement qualifiée et à bon prix en raison d’un fort chômage parmi les jeunes ? Sinon les entreprises qui les recrutent ? L’Etat et les étudiants contribuent au financement des études supérieures… Et si les entreprises qui recrutent un diplômé dûment formé payaient enfin leur écot aux établissements qui les ont qualifiés, comme c’est déjà le cas lorsqu’elles détournent un normalien ou un énarque du service public vers le secteur privé ?