De l’urgence d’inventer un nouvel imaginaire démocratique comme antidote au FN
Notre société est malade, nos institutions sont à l’agonie. « La crise consiste justement dans le fait que le vieux monde se meurt, que le nouveau monde tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres », Antonio Gramsci.
La perte de nos repères démocratiques est bien là. Notre République est en péril. Coincées entre un quotidien militarisé et anxiogène et la folie nihiliste djihadiste, les idées nauséabondes nationales-populistes ont fait leur nid s’appuyant sur le terreau fertile de la crise systémique qui traverse notre société depuis des années créant une souffrance sociale doublée d’une crise morale.
Les résultats du premier tour des régionales montrent la fin du cycle d’alternance régulière gauche/droite qui rythmait jusqu’ici notre Ve République à bout de souffle et place la menace du FN comme le péril premier de notre avenir démocratique et de notre cadre républicain, héritage des Lumières et de la Révolution française.
Le FN est un parti qui a du sang sur les mains avec les assassinats par ses troupes d’Ibrahim Ali à Marseille et de Brahim Bouarram à Paris en 1995. Il demeure un parti foncièrement xénophobe, homophobe et raciste qui inscrit encore la préférence nationale dans son programme. Malgré toutes les tentatives marketing de ripolinage de son discours, les dérapages sont encore nombreux. En témoignent les derniers propos de Marion Maréchal Le Pen à propos des musulmans qui ne devraient pas avoir des droits égaux aux autres Français et qui s’engage en Paca à supprimer toutes les subventions aux associations LGBT et au Planning familial.
Leur confier des institutions régionales serait un suicide collectif. Rappelons-nous les condamnations judiciaires pour discrimination et incitation à la discrimination ou détournement de fonds publics des dirigeants FN dans les municipalités qu’ils ont gérés il y a quelques années.
L’urgence est dès dimanche prochain de tout faire pour empêcher le FN de conquérir les régions qu’il lorgne (notamment Paca, Nord Pas de Calais/Picardie, Alsace/Lorraine/Champagne-Ardennes et Bourgogne/Franche-Comté) en se rassemblant à gauche sur les valeurs de l’écologie et de la solidarité et en appelant à voter pour la seule liste républicaine restant en lice dans les régions où la gauche s’est, avec un vrai sens des responsabilités, retirée.
Cette poussée nationale-populiste est fondée sur la peur et le rejet de l’autre, la recherche permanente de boucs émissaires, la peur du déclassement, le délitement du lien social. Nos concitoyens sont aujourd’hui perdus et déçus des promesses non tenues, de l’abandon des quartiers populaires, de la coupure entre les élites et le peuple, entre la France périphérique délaissée et la riche et dynamique France métropolitaine, de l’inflation des affaires de corruption et de conflits d’intérêts sapant nos fondements républicains.
Ces élections montrent aussi l’épuisement des appareils politiques traditionnels, impuissants à répondre aux défis contemporains.
L’urgence sera aussi dès lundi prochain de regarder enfin en face les causes de ce désastre démocratique et d’apporter des réponses à ceux qui se trompent de colère ou préfèrent rester chez eux (50% d’abstention faut-il rappeler au premier tour hier) en faisant le pari de l’intelligence collective, de la co-élaboration d’un projet de société répondant aux attentes des citoyens en permettant de recréer du commun.
Seul un réveil citoyen peut raviver l’espérance collective de jours meilleurs. Il existe des milliers de lucioles qui brillent ici et là et inventent le monde de demain et montrent qu’une autre société est possible, qu’un autre vivre-ensemble est en construction ici et maintenant.
Il faut que toutes ses petites lumières convergent et répondent à l’obscurantisme brun.
Il y a urgence.