Espionnage par la NSA : la France doit réagir Voici 3 leçons à tirer de ce scandale
Mais toute cette agitation assez théâtralisée face à un comportement scandaleux des États-Unis, qui ont écouté sans vergogne les trois derniers chefs d’États français, y compris dans leurs échanges privés, mais également des ministres, des hauts fonctionnaires, des parlementaires et des diplomates, ne semble pour l’instant pas entraîner les réponses concrètes les plus pertinentes.
Il y a pourtant trois leçons très claires à tirer de cette séquence que non seulement les autorités françaises, mais bien au delà toute l’Union européenne devraient dès à présent envisager sans détour.
1. Suspendons les négociations autour du TTIP
Tout d’abord, les Américains, s’ils sont réellement des amis ou tout du moins des « alliés », n’avaient absolument aucune raison valable de nous espionner de la sorte durant au moins 10 ans. Or malgré les engagements réitérés notamment du président Obama, on redécouvre aujourd’hui que nous n’avons aucune garantie concrète qu’ils aient réellement cessé ce type de pratique lamentable.
La première leçon de ce scandale est donc la nécessité de remettre sur la table l’ensemble de nos relations avec les États-Unis, et en premier lieu l’accord de partenariat transatlantique (le si controversé TTIP) discuté actuellement entre l’UE et Washington.
Il apparaît totalement impossible de continuer à mener des négociations sur ce traité, susceptible de remettre en cause une bonne partie de notre normes, avec un « partenaire » en lequel nous ne pouvons absolument pas avoir confiance. Les raisons de stopper ces négociations étaient d’ores et déjà nombreuses. Là la coupe est pleine.
Alors ne rajoutons pas de la couardise et de la lâcheté à l’humiliation collective. Soyons fermes et montrons-nous dignes d’une certaine idée et de la France et de l’Europe en disant dès aujourd’hui : « Nous suspendons totalement les négociations autour du TTIP ».
2. Refusons de copier les pratiques a-démocratiques des USA
La deuxième leçon à tirer de ce scandale est que si nous trouvons ces écoutes américaines totalement scandaleuses, nous ne pouvons donc absolument pas copier leurs pratiques. Hasard du calendrier, le projet de loi français sur le renseignement tant décrié notamment par toutes les organisations de défense des libertés publiques revient sur la table de l’Assemblée aujourd’hui.
Alors que nous nous indignons à juste titre du Big Brother américain, notre parlement accepterait le jour même de valider un Little Brother français ? La protection des données et de la vie privée sont des valeurs intrinsèques et non négociables de nos démocraties. Si au nom de la sécurité nous commençons à renier sur nos libertés, ce sont tous les terroristes qui auront gagné.
Là encore, il y avait déjà d’excellentes raisons de s’opposer à ce projet de loi sur le renseignement. Aujourd’hui, le scandale des écoutes américaines nous oblige à refuser de copier leurs pratiques a-démocratiques.
3. Protégeons les « lanceurs d’alerte »
Enfin, la dernière leçon à tirer de tout cela, essentielle, est la nécessaire protection des lanceurs d’alerte. C’est grâce aux révélations de Wikileaks et de personnalités telles que Julian Assange ou encore Edward Snowden, relayées par des médias responsables, qu’aujourd’hui le grand public est au courant de ces écoutes américaines.
Dans tout un tas d’affaires ayant récemment défrayé la chronique, Wikileaks, Swissleaks, Luxleaks, c’est grâce à des individus courageux ayant décidé de transgresser les règles et le droit positif au nom d’une certaine idée de l’intérêt général que des pratiques scandaleuses (espionnage à grande échelle, fraudes fiscales industrielles, blanchiment d’argent organisé par les États eux-mêmes…) ont pu être mises à jour.
Ceux que l’on nomme les « lanceurs d’alerte », nouveaux héros de notre époque, prennent des risques inouïs et se retrouvent bien souvent seuls contre tous, les grandes firmes multinationales et les États jaloux et bien décidés à ne pas partager leurs « secrets ». Ils doivent donc absolument être protégés pour pouvoir continuer de dénoncer un certain nombre de pratiques au nom de l’intérêt général.
C’est pourquoi nous demandons à nouveau à la Commission européenne, qui n’a pour l’instant pas prévu d’agir en la matière, de mettre à l’agenda de l’UE un texte prévoyant la protection européenne de tous les lanceurs d’alerte.
Pour qu’Edward Snowden, Stéphanie Gibaud, Hervé Falciani, Irène Frachon, Julian Assange et tous les actuels et futurs lanceurs d’alerte de leur trempe puissent continuer à révéler ce type de scandales qui doivent être connus du grand public afin que le terme même de « démocratie » puisse encore avoir un sens, il faut qu’ils soient protégés par nos institutions, et non inquiétés, poursuivis et précarisés comme trop d’entre eux le sont aujourd’hui.
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