Google contre le fisc: le coup de gueule d’Eva Joly
La décision était attendue, elle laisse cependant un goût amer. Ce mercredi 12 juillet, le Tribunal administratif de Paris a donné raison à Google qui contestait un redressement fiscal de 1,1 milliard d’euros réclamé par le fisc français sur la période de 2005 à 2010. Son imposition reste donc minimale. A titre d’illustration, Google qui salarie 700 personnes en France a déclaré n’a versé que 6,7 millions d’euros d’impôts en France en 2016. Comment en est-on arrivé là ? Challenges a demandé à Eva Joly, députée européenne EELV, engagée contre l’évasion fiscale d’expliquer les failles juridiques.
En quoi consistait cette enquête de l’administration fiscale française sur Google ?
Elle cherchait à prouver que Google a bien un ‘établissement stable’ en France, c’est-à-dire qu’il y bien des salariés et que des activités y sont facturées. Il y a bien 700 personnes dont une grosse partie rue de Londres à Paris. Google avance qu’il n’y a pas de serveurs ni de vente d’espaces publicitaires réalisée en France. Effectivement les contrats sont signés par sa filiale Irlandaise. Et le juge ne fait qu’appliquer la convention fiscale bilatérale entre la France et l’Irlande qui prime sur le droit interne.
Êtes-vous surprise par la décision du tribunal administratif annulant le redressement ?
Cette décision est très conformiste, elle s’inscrit dans la droite de ligne de la suggestion du rapporteur public du 14 juin dernier. Elle montre bien le problème : quand vous opérez avec des textes de loi faits pour des dinosaures, c’est difficile d’attraper des aigles ! Les textes sur lesquels le tribunal administratif se base ont plus de 40 ans, ils datent d’une époque où l’économie numérique n’existait même pas !
Cette réponse me désole car la juridiction administrative française est justement connue pour avoir su dans le passé adapter les textes au réel. Dans un tout autre genre, c’est elle qui a fait jurisprudence et reconnu les droits de la concubine par le passé en estimant qu’elle avait un intérêt légitime, ce que la Cour de Cassation lui contestait alors. Le Conseil d’État était alors plus moderne que la Cour de Cassation. Dans l’interprétation des lois, il y une liberté. Cette fois, elle n’a pas saisi l’occasion d’adapter la jurisprudence à l’économie numérique, elle est restée conservatrice. Il y a un décalage entre la théorie et le réel ici. Il faut pourtant vérifier que la multinationale américaine ne déroge pas au plus grand principe du droit fiscal : l’égalité devant l’impôt.
Ensuite, je pense que l’objectif essentiel de Google en choisissant la répartition de ses sièges, postes et filiales, était de minimiser le plus possible l’impôt. Or, selon l’article L64 du Livre des procédures fiscales, l’abus de droit est interdit.
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