Henri Proglio

22 février 2011
Depuis 30 ans, l’action d’EDF est au cœur du débat public insulaire. Arrivées en fin de vie, les centrales de Lucciana et du Vaziu vont être remplacées : n’est-ce pas là pour EDF l’opportunité de changer enfin d’image et d’attitude vis à vis de la Corse ?
Henri Proglio, le PDG d’Electricité de France, n’est pas le premier interlocuteur venu pour la Corse. Il l’a rappelé en introduction de son propos : EDF est le premier investisseur privé sur l’île depuis de nombreuses années. Ajoutons qu’à travers EDF se joue aussi l’avenir de l’approvisionnement en gaz naturel de la Corse, puisque 80% du gaz transité par le projet Cyrénée a pour vocation d’alimenter les deux centrales thermiques EDF. Enfin, ce projet Cyrénée doit se raccrocher au projet de gazoduc Algérie-Italie Galsi, projet d’un consortium économique dont le principal actionnaire italien est Edison, la filiale transalpine d’EDF. Cela fait beaucoup d’enjeux pour l’avenir de la Corse à travers l’action d’une même entreprise, et de ses dirigeants.

Cependant, l’initiative d’Henri Proglio de venir en personne débattre avec les élus corses, alors que son agenda est par nature surchargé, laisse perplexe au regard du peu d’éléments nouveaux qu’il a apportés. Il a été interrogé sur les choix à court terme d’EDF, notamment celui de démarrer la centrale de Lucciana au fioul lourd, ce qui ruine son image sur une île qui a fait de la fin du fioul lourd une exigence, une page à tourner définitivement. Il a été aussi interrogé sur les choix à plus long terme, et notamment l’implication d’EDF dans le projet d’approvisionnement en gaz naturel de la Corse.
Sur les deux questions, ses réponses laissent avant tout des incertitudes. Le fioul léger dès le démarrage de Lucciana ? Attendons l’été et le rendu des études lancées pour cela. La porte n’est pas fermée, du moins en apparence ; mais on sent bien qu’il n’y a pas de volonté réelle de remettre en cause les choix initiaux. En fait, tout dépendra du rapport de forces.

Le projet Galsi est-il la seule option pour alimenter la Corse au gaz naturel ? Il admet que la question se pose, même s’il se positionne comme l’actionnaire de référence d’Edison, le principal partenaire italien du Galsi aux côtés de Sonatrach, la société d’Etat d’Algérie. Les événements politiques actuels fragilisent eux aussi les acteurs du projet. D’où une (très) timide ouverture à travers l’annonce du lancement d’une étude sur un approvisionnement en gaz naturel liquéfié (GNL), c’est à dire par bateaux venant des gisements en exploitation, avec la possibilité de diversifier les fournisseurs.

Bref, il n’a pas annoncé de plan B, mais il lui a entrouvert la porte. Et il a positionné EDF ou ses filiales comme des acteurs éventuels d’un tel projet … s’il est économiquement rentable, ce qui dépendra pour beaucoup de ce que l’État consentira comme contribution, soit directement, soit à travers la Commission de Régulation de l’Énergie qui compense auprès d’EDF les « surcoûts » de la fourniture d’électricité à la Corse.
EDF donnant le débouché de ses centrales au Galsi, ou bien reprenant à son compte l’approvisionnement gaz si le Galsi capote ? Pourquoi pas ! De toutes façons la Corse n’a pas les entreprises et les capitaux pour engager par elle-même une telle opération, qui, pour être économiquement viable, devra, qui plus est, être conjointe entre Corse et Sardaigne. Et EDF a un pied des deux côtés grâce à Edison sa filiale …

Mais qui peut imaginer une telle alternative dans un avenir suffisamment proche ? Alors la Corse doit imposer sa priorité : la fin du fioul lourd et des pollutions nuisibles. Que le fioul léger soit utilisé en attendant le gaz, c’est la seule garantie que nous avons pour faire en sorte que le gaz arrive enfin, et le plus rapidement possible.

En fait le débat énergétique corse est plus que jamais dans le flou. Les espoirs d’une alternative sont constamment remis en cause, tandis que la « machine » terre à terre des projets EDF au fioul lourd avance inexorablement. Les attentes de la Corse restent fortes, et le PDG d’EDF en a certainement conscience. En venant en Corse, il en prend acte. Mais aucune alternative n’est proposée.

Au contraire, les énergies renouvelables restent cantonnées au strict minimum, l’éolien étouffé dans l’œuf, l’hydraulique découragé par des tarifs de rachat discriminatoires par rapport au continent, et maintenant le photovoltaïque déstabilisé en pleine croissance. Rien n’est acquis, tout nous échappe.

Le problème que nous posons est hautement politique : l’avenir énergétique de la Corse doit se décider avec, et par les Corses. EDF peut être un partenaire, et il est le bienvenu ; mais certainement pas pour imposer à l’île des choix qu’elle refuse.
La rencontre entre les élus de Corse et Henri Proglio n’a débouché sur rien de tangible. La méfiance reste la règle, et, même s’il faut continuer à discuter, il ne faut certainement pas désarmer face à un Henri Proglio qui pourrait bien n’être qu’un simple marchand d’illusions.

François ALFONSI

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Un commentaire

  • Alicia dit:
     - 

    EDF prolonge son image de business society alors qu’il pourrait céder quelques millions et complétement rédonner une nouvelle vision au monde entier.
    Merci pour l’article.

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