Jean-Jacob Bicep : « Il faut interdire l’épandage aérien des pesticides »
Monsieur le Ministre, cher compatriote.
Nous sommes tous deux fils de la Guadeloupe. Je ne peux donc croire que le sort de la population Guadeloupéenne vous indiffère. C’est la raison pour laquelle je ne m’explique pas votre position constante concernant la question de l’épandage des pesticides aériens en Guadeloupe. Elle est au minimum une capitulation, au pire une trahison de la mission qui est la vôtre.
Votre argument récurrent tient en une phrase : le chantage à la banane. C’est en effet au nom de la défense des producteurs de banane que vous défendez l’épandage aérien des pesticides. « Que ferez-vous quand vous vous retrouverez avec des tonnes de banane sur les bras ? » demandez-vous aux écologistes et aux citoyens mobilisés qui contestent votre position. Laissez-moi donc vous poser une question en retour, plus essentielle. « Que ferez-vous quand nous serons face à une catastrophe sanitaire ? » Il semblerait que la triste affaire du chlordécone ne vous ait rien enseigné. A l’époque déjà, on arguait des intérêts économiques pour justifier l’injustifiable : l’empoisonnement programmé de populations qui mesurent seulement aujourd’hui les conséquences terribles d’une telle volonté. Il faut d’ailleurs que les populations victimes obtiennent réparation.
Jean-Jacob Bicep : contre l’épandage aérien…
Pourquoi donc, instruit par l’expérience et alors même que le gouvernement considère qu’il est temps d’interdire l’épandage dans la plupart des régions, défendez vous une pitoyable exception guadeloupéenne, une dérogation indue ? Les ravages de tels produits sont aujourd’hui connus. Les pesticides ne sont pas moins cruels au soleil. Comment passer sous silence les risques de l’utilisation des pesticides en question pour la santé publique ?
Sur un dossier concernant la santé des populations, la situation demanderait à minima un grand débat mené dans la sincérité pour que les positions de chacun soient connues. Mais la tenue d’un tel débat semble vous indisposer. Êtes-vous à ce point persuadé d’être le seul dépositaire de la sagesse pour ne souffrir d’aucune contradiction ? Voilà que vous allez à présent jusqu’à contester les décisions des juges, déclarant votre désaccord avec la décision du tribunal administratif.
Les Guadeloupéens et les Guadeloupéennes ne sont pas des enfants qu’il conviendrait de diriger contre leur volonté. Le paternalisme provincial n’est pas plus acceptable que le paternalisme colonial. Vous ne pouvez prétendre agir en notre nom alors même que vous entendez prolonger l’utilisation de substances dangereuses pour les populations qui y seraient exposées. A moins que vous ne sachiez très bien au fond de vous, que ce que vous défendez est indéfendable politiquement et moralement inacceptable.
Vous êtes, monsieur le ministre un homme de grande culture, un lecteur érudit. Alors permettez moi de citer Aimé Césaire, notre voisin Martiniquais, qui dans une adresse fameuse employait les mots suivants : « Prends garde architecte, car tu es bâtisseur de pestilence. »
Prenez garde monsieur le Ministre. Votre insistance à mener un odieux chantage à la banane pourrait bien vous conduire dans une impasse politique et précipiter une catastrophe pour les personnes vivant sur le territoire de la Guadeloupe.
Je vois bien les intérêts que vous défendez. Mais je vous demande de prendre en compte l’intérêt général. Vos dénégations et vos coups de mentons ne fondent pas une politique digne de ce nom. Il ne suffira pas de lancer avec agressivité « nous ne sommes pas des empoisonneurs. » pour faire de cette sentence une vérité.
Voulez-vous rester dans l’histoire comme le responsable de la prolongation d’une injure faite à la terre et d’une blessure portée à la santé des nôtres ? Libre a vous. Mais ne nous demandez pas de consentir à ce crime contre la Guadeloupe. Nous sommes et resterons des opposants résolus à l’épandage aérien des pesticides.
Parce que nos enfants ne valent pas moins que ceux des autres. Parce que l’écologie est notre bien le plus précieux. Parce que notre citoyenneté est universaliste : nous ne souffrons pas le deux poids deux mesures. Tout le monde à le droit, a la santé, à l’écologie et à la vérité.
Nous sommes tous deux fils de la Guadeloupe. Je suis un élu du peuple, vous êtes un ministre de la République. En conscience, vous ne pouvez défendre la prolongation de l’épandage aérien des pesticides. Je vous demande donc de faire demi-tour, et de quitter le chemin de l’entêtement, de la mauvaise foi et de l’injustice sur lequel vous vous obstinez à avancer. Chacun de vos pas dans cette funeste direction fait reculer la Guadeloupe.
Que cesse donc le temps des intimidations pour que la raison l’emporte. Que cesse donc l’épandage aérien des pesticides pour que la santé des Guadeloupéennes et des Guadeloupéens soit protégée.
Jean-Jacob Bicep, député européen EELV.