OGM : Une proposition indéfendable au niveau international
Ce sont des concessions faites par l’UE dans le cadre des négociations avec les Etats-Unis pour la mise en place d’un accord de libre échange. Les OGM étant un des dossiers épineux à traiter pour que l’Administration américaine et la Commission européenne parviennent à se mettre d’accord sur un traité de libre échange (TAFTA) qui a du plomb dans l’aile, comme l’a montré la décision hier de reporter le débat au Parlement européen.
A de nombreuses reprises, je me suis exprimé contre ce projet de renationalisation des OGM qui selon moi va favoriser et accélérer la pollution de l’ensemble de la chaine alimentaire. Dans le cadre du marché unique, qui est la pierre angulaire de cette Europe libérale, je ne vois pas comment un état pourra interdire l’importation des produits transformés, comme les plats cuisinés, provenant d’un autre pays de l’UE.
Les Etats ne pourront utiliser que des arguments non-scientifiques pour interdire les OGM alors que ces arguments ne sont pas acceptés par l’OMC. L’interdiction, pour des raisons scientifiques, sera réservée à l’EFSA (Agence Européenne de Sécurité Alimentaire).
Le gouvernement d’un Etat membre de l’UE qui interdira un OGM sera donc facilement attaquable au niveau de l’OMC par un autre état, les USA par exemple, dont une entreprise commercialise des semences ou des aliments transgéniques. Encore plus inquiétant, c’est l’Union européenne qui aura validé cet OGM qui sera chargée de défendre un des ses états membres qui l’aura interdit. Ceci placera l’administration européenne dans une situation difficile, voire ubuesque.
Lors d’une rencontre début juin avec la DG Sanco, un de mes collaborateurs a demandé sur quelle base légale la Commission européenne se baserait pour bâtir sa défense si un cas se présentait. Il assurait, contrairement au représentant de la Commission que des arguments non scientifiques ne sont pas recevables dans le cadre de l’Accord sur les produits Sanitaires et Phytosanitaires (SPS) de l’OMC et que l’UE ne pourrait se baser que sur les Obstacles Non Tarifaires (TBT en anglais) qui sont très fragiles. La réunion s’est achevé sur ce point de désaccord technique mais important. Mon collaborateur a insisté pour que les services de la Commission lui envoient les textes en question.
Voilà là réponse reçue du cabinet du Commissaire le lendemain :
mea culpa, Je dois corriger mon erreur : je faisais en fait référence à l’article 2.2 de l’accord TBT (et non SPS) qui contient une liste d’exception ouverte :
Les Membres feront en sorte que l’élaboration, l’adoption ou l’application des règlements techniques n’aient ni pour objet ni pour effet de créer des obstacles non nécessaires au commerce international. A cette fin, les règlements techniques ne seront pas plus restrictifs pour le commerce qu’il n’est nécessaire pour réaliser un objectif légitime, compte tenu des risques que la non-réalisation entraînerait. Ces objectifs légitimes sont, entre autres, la sécurité nationale, la prévention de pratiques de nature à induire en erreur, la protection de la santé ou de la sécurité des personnes, de la vie ou de la santé des animaux, la préservation des végétaux ou la protection de l’environnement. Pour évaluer ces risques, les éléments pertinents à prendre en considération sont, entre autres, les données scientifiques et techniques disponibles, les techniques de transformation connexes ou les utilisations finales prévues pour les produits.
Ce qui est plus inquiétant c’est la suite de cet e-mail :
Cela étant, je ne crois pas non plus qu’un panel OMC accepterait facilement notre défense car, rien n’est sûr à l’avance, loin de là. J’ai seulement expliqué que, si nous sommes attaqués, nous pourrions bâtir notre argumentation sur les exceptions prévues dans les accords OMC, dont l’article XX du GATT et cet article du TBT.
European Commission
Cabinet of Commissioner Andriukaitis
Commissioner for Health and Food Safety
Cette conclusion est on ne peut plus révélatrice. Lorsqu’un haut responsable politique écrit noir sur blanc « je ne crois pas qu’un panel sur l’OMC accepterait facilement notre défense », je pense que l’on peut facilement en déduire que l’argumentaire de la Commission européenne n’aura pratiquement aucune chance d’être validé par l’OMC, et qu’elle le sait. Dans le cadre de la mise en place des Tribunaux Arbitraux, prévu dans l’Accord de libre échange, les arguments européens seraient balayés d’un revers de main par les avocats de Monsanto ou de Pioneer.
La Commission européenne tente donc de vendre une proposition aux Etats Membres et au Parlement européen, en sachant pertinemment qu’elle les trompe. Je trouve cela inacceptable.
José Bové