La mondialisation par la lutte contre le changement climatique

10 décembre 2009
La mondialisation par le commerce a occupé les deux dernières décennies, avec son cortège d’inégalités et d’injustices. Les décennies à venir verront-elle, à Copenhague et au delà, l’avènement d’une « mondialisation écologique » autour de la lutte contre le changement climatique ?

L’irruption de l’urgence climatique est en train de bouleverser la marche du monde. Depuis 1992, le sommet de Rio, puis 1997, le sommet de Kyoto, la conscience se crée enfin d’une Humanité condamnée à se solidariser pour affronter un même destin, et pour préserver la planète des conséquences néfastes d’une activité humaine débridée. Aux positions de départ contradictoires succèdent peu à peu des convergences qui pourraient s’affirmer pour la première fois à Copenhague.

Aux pays les plus vertueux de l’après Kyoto (Europe et Japon), qui sont aussi les plus pauvres en ressources fossiles, les mauvais élèves (USA, Canada, etc…) rétorquaient que cette «vertu » était intéressée car leur vraie motivation était leur infériorité face à ceux qui disposaient encore d’abondantes réserves. Raisonnement à courte vue que George Bush a porté avec arrogance et obstination, et que Barack Obama est en train de réviser de fond en comble, y compris sous la pression des évènements climatiques qui secouent l’Amérique : incendies gigantesques, inondations catastrophiques, etc…

Puis il y a eu le grand clivage Nord-Sud, entre les « responsables du désastre climatique », ceux dont le développement économique depuis plus d’un siècle et demi a saturé l’atmosphère en CO2, et les « pays en retard » dont le développement balbutie et qui peinent à s’en sortir. Ceux qui y arrivent le mieux, comme le Brésil, l’Inde ou la Chine, ont commencé par défendre leur « droit au rattrapage historique » : aux pollueurs du XXème siècle de payer seuls le prix du rétablissement d’un équilibre écologique menacé par leurs rejets. Sauf que c’est hors de portée, et si les pays « non développés » venaient à rattraper les pays riches en niveau d’émissions de gaz à effets de serre, la planète serait en lambeaux. Brésil et Chine ont récemment donné le signal de cette prise de conscience ; elle ne peut aller qu’en s’amplifiant pourvu que les pays industrialisés acceptent la part de solidarité qui leur incombe.

Ainsi par exemple pour la déforestation : des décennies d’appels au secours sont restés sans effet pour sauver les grandes forêts amazonienne, africaine ou indonésienne qui sont le siège, pour une très grande part, de la biodiversité animale et végétale de la planète, ainsi que l’habitat de cultures indigènes menacées. Les René Dumont, Claude Levi-Strauss et autres n’ont jusqu’ici jamais pesé bien lourd face aux tronçonneuses et aux engins de chantier. Désormais, pour préserver ces « poumons verts » qui représentent 20% de l’impact CO2 mondial grâce à leur faculté à l’absorber par la croissance de leur végétation, les pays pauvres accepteraient enfin de remettre en cause leurs programmes de déforestation, et les pays riches de financer le manque à gagner qui en résulterait pour leurs économies. Voilà bien une vraie « révolution » que dans la novlangue onusienne on appelle un « mécanisme de développement propre », quand un pays industrialisé est amené à financer un projet de réduction de CO2 dans un pays pauvre.

En fait l’urgence climatique renverse la perception de l’aide au développement vécue jusqu’ici comme un simple acte de charité envers un tiers-monde déshérité. Elle devient une exigence pour satisfaire ses propres obligations écologiques. Or une « solidarité gratuite » n’est jamais aussi garantie qu’une « solidarité intéressée » où le donateur trouve lui-même son compte.
Au sein même des pays développés, parmi ceux qui se croyaient plus riches grâce aux ressources de leur sous-sol, on commence à réaliser que la vraie richesse est dans la conversion écologique de l’économie que certains pays, notamment en Europe comme le Danemark qui accueille le15ème sommet mondial sur le changement climatique, ont déjà largement entamé.
Ainsi chacun est en train de changer son « logiciel » sous la pression conjuguée de la raréfaction des ressources fossiles et des menaces liées au réchauffement climatique. Au nom de l’urgence climatique, les priorités évoluent, les comportements changent. Cette nouvelle mondialisation, si on sait la hisser à la hauteur des enjeux écologiques, sera salutaire.
Au moment de son ouverture, ce sommet de Copenhague apparaît donc comme le possible sommet de la convergence entre les différents mondes qui font la planète. Ce serait alors un sommet historique.

François ALFONSI

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