Lettre de soutien à Marc Boulnois, Maire de Norrent Fontes
Monsieur le Préfet du Pas-de-Calais,
Suite à notre entretien téléphonique concernant votre courrier de mise en demeure de M. Marc Boulnois, Maire de Norrent-Fontes, je me permets de reprendre par écrit les éléments qui fondent mon profond désaccord avec son contenu préalablement au rendez-vous convenu pour ce lundi 10 Janvier.
En premier lieu, vous considérez que « le campement de « la Marnière » est devenu la cause majeure directe et le fait générateur de multiples troubles qui dépassent le seul territoire de la commune ». Or les « troubles » que vous mentionnez sont ceux liés aux activités des passeurs. Ils ne sauraient en rien être imputés à l’existence même du campement. Les enquêtes des services de police dont vous disposez devraient d’ailleurs suffire à vous en convaincre : les passeurs n’adaptent-ils pas leurs activités à la politique de destruction systématique des camps de fortune sur le littoral Nord-Pas-de-Calais que vous pratiquez depuis plusieurs années ? Au contraire la vulnérabilisation des migrants et la politique de répression à leur égard, mises en place sous votre autorité, sont des facteurs qui aggravent l’emprise des réseaux. Il est donc particulièrement choquant que votre courrier suggère que la responsabilité des « troubles graves et manifestes » pourrait être imputée à M. le Maire de Norrent-Fontes.
De plus, M. le Maire de Norrent-Fontes, en mobilisant des ressources communales limitées permet, sans aide de l’Etat, l’accueil, y compris par grand froid, des migrants. Il pallie également, dans la mesure de ses moyens avec l’aide et le soutien des associations et des habitants, les carences de l’Etat en matière d’accès aux services de base des migrants sur son territoire. Cette attitude exemplaire conforme aux droits de l’Homme tels que ratifiés par la France et aux fondements de notre constitution appelle encouragement reconnaissance et soutien. Vous n’êtes pas sans savoir que ces engagements font obligation aux représentants de l’Etat de tout mettre en œuvre pour garantir leur bonne application.
Or les violations permanentes des droits des personnes migrantes dans notre département sont de notoriété publique, documentées et référées dans de nombreux rapports. En mai 2010 le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe M. Hammarberg suite à sa visite à Calais a considéré que « l’action de la police déprime harcèle et fatigue les migrants », il s’est inquiété de la situation des mineurs étrangers non accompagnés, « Chaque mineur devrait être hébergé dans un centre adapté et bénéficier de la protection d’un tuteur, il est intolérable que des enfants migrants errent dans les rues, livrés à eux-mêmes », il a dénoncé l’usage abusif de la rétention des migrants « qui sont traités comme s’ils étaient des délinquants » et rappelé que « les personnes dans une telle situation sont avant tout des victimes et doivent être traitées comme telles ». Ces recommandations appellent un profond changement des pratiques en cours et de l’approche des questions migratoires en général.
Les migrants sur notre territoire sont pour la plupart, comme c’est le cas des érythréens présents à Norrent-Fontes, des personnes en besoin de protection internationale, fuyant des situations de violence généralisée. C’est à construire des solutions d’accueil décentes, en France ou en Europe que les autorités publiques devraient se sentir tenues. Utiliser comme vous le faites dans votre courrier, les questions d’insalubrité, de troubles à la tranquillité publique, ou à la sécurité, pour mettre en demeure M. le Maire de Norrent-Fontes, me semble inconvenant, et de surcroît parfaitement inadapté à la résolution des problèmes auxquels vous souhaitez répondre.
C’est pourquoi je vous suis reconnaissante de recevoir ce lundi 10 janvier, M. Marc Boulnois, Maire de Norrent-Fontes, afin de dissiper les injonctions et menaces que suggère votre courrier et envisager sereinement les initiatives susceptibles d’être développées dans cette commune et dans le département pour améliorer la situation des personnes migrantes.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Préfet du Pas-de-Calais, l’expression de mes meilleurs vœux pour la nouvelle année.
Hélène Flautre