Michèle Rivasi : « L’Agence européenne du médicament a failli à sa mission » dans l’affaire Mediator

11 février 2011
Michèle Rivasi : « L’Agence européenne du médicament a failli à sa mission » dans l’affaire Mediator
Par Anne Jeanblanc,

L’Agence européenne du médicament (EMA) aurait dû se saisir du dossier Mediator dès 1999. La députée européenne Michèle Rivasi (Europe Écologie-Les Verts) regrette vivement un dysfonctionnement qui, ajouté à celui des autorités françaises, a conduit à la mort de plusieurs centaines de personnes.

Le Point.fr : Que reprochez-vous exactement à l’Agence européenne du médicament ?

Michèle Rivasi : D’avoir laissé le Mediator sur le marché. Dès 1997, on disposait de nombreux rapports qui indiquaient que le benfluorex (nom chimique de la molécule), dont le nom se termine par « orex », était bien un anorexigène. On savait aussi que l’isoméride (une molécule voisine) entraînait des effets secondaires importants chez les patients. Or, en 1999, l’Agence a retiré l’autorisation de commercialisation de tous les coupe-faim, sauf celle du Mediator. Je demande aujourd’hui à la commission d’expliquer le pourquoi de cette exception. D’autant plus que la Food and Drug Administration américaine avait, elle, auparavant interdit tous ces produits, y compris le Mediator.


L’Agence européenne avait néanmoins demandé une enquête sur le Mediator…

Oui et, là aussi, je suis très surprise. L’EMA a demandé en 1999-2000 aux laboratoires Servier de réaliser un protocole d’étude sur les effets secondaires d’un point de vue pulmonaire et cardiaque. L’industriel français avait un an pour effectuer ce travail. Or il n’a commencé qu’en 2006. Et il n’a été achevé qu’en 2009. Je suis surprise de voir que les personnes présentes à la tête des structures de l’Agence chargées d’autoriser ou non les médicaments ont mis autant de temps à réagir. Était-ce dans le but de favoriser les laboratoires Servier ? Je suis bien d’accord avec le rapport de l’Igas qui parle d' »enlisement européen ». C’est pourquoi je demande une enquête interne pour expliquer ce dysfonctionnement.


Une agence européenne peut-elle interdire, dans un pays, un médicament qui a une autorisation de mise sur le marché national, comme c’était le cas du Mediator en France ?

Normalement, c’est aux autorités nationales d’agir. Mais quand plusieurs pays interdisent un médicament, l’EMA doit automatiquement faire un rapport et recommander que ce médicament ne soit plus autorisé en Europe. Certes, pour le Mediator, la situation est un peu plus compliquée puisque c’est le laboratoire lui-même qui a décidé de son retrait en Italie – où des cas de valvulopathie avaient été décrits dès 1998 – et en Espagne. C’était une façon détournée, une entourloupe pour éviter l’interdiction. Il n’empêche que, si l’EMA avait suivi le dossier et exigé l’étude demandée auparavant, la situation aurait été bien différente.

Souhaitez-vous, au final, que l’Agence européenne dispose de plus de pouvoirs ?

Tant que l’EMA ne me montre pas qu’elle est critique, qu’elle est capable de faire des analyses vraiment indépendantes sur les médicaments, je milite pour une révision de fond en comble de son fonctionnement. Car elle adopte actuellement avec le vaccin Pandemrix (contre la grippe A/H1N1 des laboratoires GSK) le même comportement que vis-à-vis du Mediator. Dans plusieurs pays, dont la Suède et la Finlande, des rapports montrent que ce vaccin a provoqué des cas de narcolepsie (se manifestant par des épisodes de sommeil irrépressibles) chez des enfants. L’EMA estime que le lien n’est pas prouvé et qu’il faut encore faire des études. C’est inquiétant.

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