Mon enquête sur le programme secret de la CIA en Europe après le 11 septembre
La terreur qui frappe l’Ame?rique le 11 Septembre 2001 met les institutions des Etats de?mocratiques a? rude e?preuve. Le lendemain de l’attentat, les Etats-Unis de?clarent ouverte « la guerre contre le terrorisme » et lancent une vaste traque plane?taire et clandestine des pre?sume?s terroristes. Il s’agit du programme de « restitutions extraordinaires » e?labore? par la CIA. Il est agre?e? par les Etats-membres de l’OTAN et mis en œuvre par leurs services spe?ciaux entre 2001 et 2006.
Ses victimes – combien sont-elles ? – ont e?te? kidnappe?es, torture?es, enferme?es ; leur inte?grite? et leur dignite? ont e?te? profane?es de façon proce?durale et syste?matique. Certaines croupissent toujours, sans espoir de proce?s, a? Guanta?namo. A ce jour aucun responsable politique, aucun agent des services d’Etat, aucun pre?sident d’entreprise sous-traitante, ni en Europe ni aux USA, n’a e?te? tenu de s’expliquer et de rendre des comptes.
Partout l’impunite? fait loi. En Europe, les Etats ont eu a? connaître de cette entreprise criminelle. Ils y ont participe?, tacitement ou de façon active, certains jusqu’a? autoriser plusieurs centaines de vols clandestins de la CIA dans leur espace ae?rien, d’autres jusqu’a? tole?rer sur leur territoire des sites de de?tention et de torture secrets.
Onze ans plus tard, apre?s de nombreux rapports, enquêtes, articles et te?moignages confondants, les Etats n’ont toujours pas lâche? prise : pas de reconnaissance des faits, pas d’excuses ni de re?parations aux victimes, pas de responsabilite?s identifie?es.
Le rapport adopte? le 11 septembre 2012, que j’ai eu la responsabilite? de conduire pour le Parlement europe?en, met les Etats europe?ens au pied du mur de la ve?rite?. Il conforte et le?gitime les travaux des journalistes, des de?fenseurs des droits de l’Homme, des parlementaires, des juristes, des experts, des victimes, qui jour apre?s jour, rele?vent le de?fi de ve?rite?.
Non, le Parlement europe?en n’accepte pas qu’au nom des citoyens et de leur se?curite?, les E?tats de?veloppent des pratiques ille?gales clandestines, violatrices des droits de l’Homme et se dispensent de rendre des comptes. En 2007, mon pre?de?cesseur, Claudio Fava, avait dû affronter les outrances assume?es des atlantistes virulents, pour lesquels il n’y aura jamais de plus belle preuve de loyaute? envers l’Ame?rique que le secret garde? sur l’exe?cution du programme de la CIA. Pendant les travaux de la commission d’enque?te, ils avaient de?ploye? tous leurs efforts pour saper la de?marche d’enquête, discre?diter les te?moins auditionne?s, prote?ger les secrets d’E?tat et de?nier le besoin de ve?rite?.
Mais a? l’heure ou? les te?le?grammes diplomatiques ont pignon sur le net, ou? les archives des services secrets s’e?talent dans les ruines des dictatures de?chues, ou? les victimes des tortures passent du co?te? du pouvoir, les ne?gationnistes sont moins diserts. Seuls de?sormais, les Etats tentent de prote?ger leurs secrets de polichinelle. Pousse?s a? rendre des comptes, ils rechignent, tergiversent, mentent, feignent, retardent, camouflent. Ils se tiennent par la barbichette a? qui parlera le dernier !
Lors de l’audition organise?e au Parlement europe?en en mars 2012, aucune autorite? invite?e n’est venue de?fendre son enque?te, pas un procureur, pas un ministre, pas un parlementaire. La conjuration nationaliste est-elle trop forte ? Les pressions ame?ricaines trop convaincantes ? « L’Etat profond » trop puissant ? L’enque?te trop peu cre?dible ? L’Europe ne doit pas abandonner les Etats a? leurs de?mons. La clause europe?enne de solidarite? et de confiance mutuelle doit e?tre active?e, elle est le levier qui peut forcer le couvercle de la ve?rite?.
L’Europe serait la premie?re victime du de?ni. Sa promesse de dignite? et de de?mocratie ane?antie, elle perdrait toute autorite? ! Le lendemain de l’adoption du rapport, le 12 septembre 2012, re?pondant a? la presse, le Pre?sident le la Re?publique de Roumanie dit : « La Roumanie suivra les recommandations du Parlement europe?en ». Une onde d’espoir parcourt la plane?te des « e?pris de justice ». La ve?rite? viendra.