Nicaragua : Daniel Ortega avance, la démocratie recule

17 novembre 2011
De retour du Nicaragua, Catherine Grèze revient sur la re-élection du président Ortega le dimanche 6 novembre 2011, l’opacité du processus électoral et sur le rôle des parlementaires européens missionnés sur un scrutin à l’étranger en tant qu’observateur.
« Au Nicaragua, la démocratie n’est pas vraiment en marche, estime Catherine Grèze, eurodéputée Europe Ecologie – Les Verts, mais seul le futur le dira ». Le 6 novembre 2011, le président sortant Daniel Ortega et le Front sandiniste de libération nationale (FSLN) sont sortis vainqueurs de l’élection présidentielle, avec 63 % des voix. Les sept parlementaires et les 90 membres de la mission de l’Union européenne envoyés dans 192 bureaux de vote, mission à laquelle était associée Catherine Grèze, ont confirmé les résultats sortis des urnes. Mais « l’opacité totale du processus électoral pose un réel problème », poursuit la parlementaire qui dénonce le renforcement d’un pouvoir autoritaire.

Lors d’une campagne sans relief et mobilisant peu la population, « le Conseil suprême électoral, organe tout puissant, s’est attaché à semer toutes les embûches possibles pour les partis d’oppositions ». La distribution des papiers d’identités et de cartes électorales, gérée par les seules antennes du FSLN, était à deux vitesses : certains citoyens membres ou proches du Front ont reçu facilement leur sésame, quand d’autres n’ont pas pu voter faute de document officiel. Mais ce n’est pas tout : les délégués des partis d’opposition, qui représentaient le seul contre pouvoir à l’intérieur des bureaux de vote, n’ont, pour la grande majorité d’entre eux, pas été accrédités… ni d’ailleurs les observateurs nationaux.

« Quels auraient été les résultats si l’élection avait été neutre, équitable et transparente ?, s’interroge Catherine Grèze. La candidature même d’Ortega était d’ailleurs contraire à la Constitution du Nicaragua… » Ces sont au final les classes les plus pauvres qui ont vu leur niveau de vie s’améliorer en partie grâce à l’aide Vénézuélienne, les grandes entreprises rassurées par la mise en place d’un système néolibéral, la paix sociale et le soutien sans faille d’une Eglise omniprésente… qui ont permis d’assurer le statu quo et de maintenir le régime Ortega.


Récit d’une journée électorale :

5 h 30 – nous partons pour une très longue journée d’observation des bureaux de vote. La télévision diffuse en boucle le soutien de l’Eglise à Ortega. Je suis en équipe avec Ana Gomez, nous sommes en charge de Leon, la deuxième ville du pays où une fraude massive avait eu lieu en 2008. Hier des affrontements ont eu lieu dans le Nord. Tensions… La journée et la nuit vont être longues pour tous !

9 h 30 – premières impressions après sept bureaux de vote dans les banlieues populaires de Managua. Mise en place très longue et ouverture des bureaux après le chant de l’hymne national et… une prière ! Les anciens et les femmes avec bébé votent d’abord. Longues files. Bonne organisation. Pas de tension ici. Urnes en carton non identifiées : à suivre cette nuit après le comptage…

12 h 30 – Ecole Palmares, commune Los Brasil. Beaucoup de nervosité à notre arrivée. Queues de plusieurs heures sous 34 degrés dans ce lieu très retiré. Camionnettes qui déversent des dizaines de personnes qui ne sont pas d’ici. Des délégués qui ne sont pas du parti qu’ils prétendent être… Là où nous ne sommes pas attendus et au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans le pays : hostilité des organisateurs, silence et observations « étranges »

16 h 30« ouvrez bien les yeux, ils veulent nous voler l’élection ». Cette phrase revient régulièrement dans la bouche de gens qui nous interpellent. Ville de Leon. Université de droit. Ambiance bon enfant. Calme. Les bureaux ici sont contrôlés totalement par le FSLN… Après avoir observé 17 bureaux, nous reprenons la route de Managua.

23 h 30 – fin du comptage dans un des quartiers les plus pauvres. Le Frente y est largement en tête, c’est la liesse dans les rues malgré la « ley seca » !

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