Nous sommes à un tournant
Comme dans toute élection de second tour, la question du report des voix est bien sûr à examiner. C’est particulièrement le cas à Portivechju où 45% des voix sont éliminées par le fait que seulement deux candidats restent en lice. Les 8% obtenus par Paul Quastana, le meilleur score de Corsica Lìbera sur l’île, ajoutés aux plus de 21% de voix du candidat de Femu a Corsica, font un total nationaliste de près de 30%, très proche des 33% obtenus par le candidat de l’UMP. Les 10% de Front National iront renforcer la droite, mais une forte abstention de cet électorat très volatil est aussi à prévoir. Puis il y a les quelque 25% de voix rassemblées par les deux candidats de la gauche, Dominique Bucchini et Paul Marie Bartoli. Jean Christophe Angelini a annoncé son intention de s’apparenter au groupe Europe Écologie, composante de la majorité présidentielle, et cela est d’ailleurs largement utilisé par la droite contre lui. Si les deux tiers de cet électorat reportent leurs voix pour faire barrage à un député sarkozyste parmi les plus acharnés, Jean Christophe Angelini sera député de la Corse du Sud. Ailleurs qu’en Corse, les jeux seraient déjà faits. Mais, ici, le Front Républicain a la haine anti-nationaliste tenace, à tout le moins au niveau de certains dirigeants. Mais, l’élection de Jean Christophe Angelini est véritablement à portée de main !
A Bastia, le total nationaliste est de 28%, le total de la gauche de 30% environ, et le député sortant de droite est à 31%. Les 10% restants sont pour l’essentiel les voix du Front National qui, comme ailleurs, se partageront entre la droite et l’abstention. L’avantage est donc au sortant, mais tous sont dans un mouchoir de poche, et, en fait, c’est la dynamique de l’entre deux tours qui peut faire la différence. Or, dans la région bastiaise l’ascension de Femu a Corsica est fulgurante. Alors que le score des territoriales était de 17% au premier tour 2010, Gilles Simeoni a bondi de 7 points depuis. C’est énorme, surtout si l’on considère que le score nationaliste subit traditionnellement une décote entre les territoriales et les législatives. A Bastia-ville, Gilles Simeoni passe de 19 à 27%. Dans le Nebbiu, la région de son suppléant Battì Arena, le bond est impressionnant, de 18 à 34% ! Dans les sondages le candidat Femu a Corsica était donné troisième en début de campagne, mais il a fini second après le « croisement des courbes » entre son score, en pleine ascension, et celui de Jean Zuccarelli en pleine récession. Pour empêcher la victoire de la droite parlementaire, c’est désormais lui le vote utile. Et pour renverser la citadelle claniste bastiaise, c’est encore lui le vote utile ! Si les débats du second tour font ressortir cela, et il a tout son talent d’avocat pour le faire comprendre aux électeurs, Gilles Simeoni peut remporter l’élection lui aussi !
Être au second tour d’une élection législative était déjà un objectif que le mouvement nationaliste n’avait jamais véritablement intégré dans sa stratégie tant il paraissait inatteignable. C’est désormais chose faite. Être dans la course de la victoire au second tour, les plus optimistes d’entre nous, et j’en suis, n’avaient pas même osé en rêver. Or nos chances de victoire dans les deux circonscriptions de Bastia et Portivechju sont réelles, attestées par tous les observateurs.
C’est donc une vague considérable que Femu a Corsica a levé depuis quatre ans, dans ses prémisses de 2008 quand les élections municipales ont permis la percée de Gilles Simeoni à Bastia et propulsé Portivechju Altrimenti derrière Jean Christophe Angelini ; puis lors des élections européennes de 2009 avec mon élection au Parlement Européen avec 24% des voix ; puis lors des territoriales 2010, avec la création effective de Femu a Corsica, 18,4% au premier tour, 26% au second tour ; puis les élections cantonales 2011, avec l’élection de Jean Christophe Angelini contre Camille de Rocca Serra dans l’Extrême Sud de la Corse où, dimanche dernier, il a obtenu plus de 31% des voix (34,6% dans le canton de Portivechju).
Et enfin ces élections législatives 2012 font véritablement basculer cette dynamique de façon irréversible.
À rombu di luttà, forse ch’un ghjornu venerà ! Cusì dice a canzona. Forza, chì ci semu guasgi !
François ALFONSI