Médiapart – Paradis fiscaux: lettre ouverte au Président Obama
A l’occasion du G20 qui s’ouvre jeudi à Pittsburgh, les eurodéputés Eva Joly et Pascal Canfin et le député Arnaud Montebourg adressent un texte au président américain, signé par de nombreux députés français et allemands, écologistes et socialistes, dans lequel il l’enjoigne de promouvoir les mesures d’«échanges automatiques d’informations» et de «comptabilité pays par pays».
Nous, citoyens et députés de plusieurs pays d’Europe et du Parlement Européen, sollicitons votre appui pour que le G20 que vous accueillez à Pittsburgh permette une avancée, cette fois décisive, dans la lutte contre les paradis fiscaux.
Le 4 mai dernier, vous avez déclaré que le système fiscal américain est «full of corporate loopholes that makes it perfectly legal for companies to avoid paying their fair share. It’s a tax code that makes it all too easy for a number — a small number of individuals and companies to abuse overseas tax havens to avoid paying any taxes at all». Ce constat, nous le faisons également dans nos différents pays d’Europe, et souhaitons sans délai y mettre fin.
Pour répondre à cette injustice, le G20 a exercé une forte pression sur les paradis fiscaux pour qu’ils signent des accords facilitant des échanges d’information à la demande (on request), lorsqu’ils sont sollicités par les fiscs de nos pays. C’est un progrès, mais il est radicalement insuffisant. Les conventions de double imposition ou celles signées sous l’égide de l’OCDE sont en effet loin de régler le problème ; souvent détournées de leurs objectifs affichés, elles peuvent même contribuer à le rendre plus criant encore.
D’une part, pour traquer véritablement les fraudeurs aux revenus aisés qui refusent de participer au financement de la collectivité, il faut que ces territoires soient forcés de passer à un échange automatique d’informations: qu’ils nous informent à chaque fois que l’un de nos ressortissants vient faire des affaires chez eux. Ceux qui le font sur une base légitime n’auront rien à craindre.
D’autre part, il faut demander aux grandes entreprises de mettre en place une comptabilité pays par pays (Country by Country Reporting) qui nous permettent de savoir, pour chaque pays d’implantation, quel est le montant des actifs détenus, le chiffre d’affaires effectué, le nombre de personnes employées, les profits réalisés et les impôts payés. Les comportements douteux apparaîtront alors au grand jour. La Belgique, la Corée du Sud, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni appuient cette initiative qui a désormais besoin de votre entier soutien.
Monsieur le Président, en 1937, le ministre des Finances des Etats-Unis, Henry Morgenthau, déclarait: «Les impôts sont le prix à payer pour une société civilisée, trop de citoyens veulent la civilisation au rabais», (Citation originale «Taxes are what we pay for civilized society. Too many citizens want the civilization at a discount»). Nous comptons sur votre engagement de longue date dans la lutte contre les paradis fiscaux pour que chaque personne, chaque entreprise de nos pays, paie son dû à la civilisation.
Pour financer nos plans de relance, assurer à l’économie les financements qui manquent, lutter contre la corruption et les pratiques qui grèvent le développement des pays pauvres et payer les services aux personnes victimes de la crise, il ne doit plus être possible de soustraire à la collectivité, en les dissimulant grâce aux paradis fiscaux, des fonds qui devraient servir au bien commun.
Nous comptons beaucoup sur votre politique de pression internationale pour faire céder les résistances que nous combattons depuis si longtemps.
Recevez, Monsieur le Président Obama, l’expression de notre très haute considération.
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