Pêche : la réforme de la dernière chance

5 septembre 2011
La réforme de la Politique commune de la pêche est lancée. D’ici janvier 2013, les institutions européennes vont débattre de ses objectifs et de la gestion des ressources halieutiques dans les eaux européennes. Cette étape est capitale pour les élus Europe Ecologie – Les Verts, conscients de la crise que traverse le secteur. En Europe, 88 % des stocks de poisson sont surexploités. Un pillage des océans qui met en péril la biodiversité marine, les pêcheurs et leurs emplois.
La réforme de la Politique commune de la pêche (PCP) sera celle de la dernière chance. Depuis sa création en 1982, cette législation n’a pas réussi à enrayer le déclin annoncé de longue date du secteur maritime dans l’Union européenne, troisième puissance de pêche mondiale. Aujourd’hui, les stocks de poissons diminuent irrémédiablement et une bonne partie de la flotte de l’UE n’est pas économiquement viable. Elle fonctionne à perte ou engendre très peu de bénéfices, pour la plupart issus des subventions. Si nous continuons à ce rythme – et comme les scientifiques l’annoncent dans le monde entier (voir l’encadré ci-dessous) – de nombreuses espèces marines sont vouées à disparaître dans un avenir proche. Sans un changement de cap radical, le désastre environnemental et social sera sans appel.

Ce bilan semble partagé par la Commission européenne. L’exécutif européen a présenté mi-juillet ses propositions qui comportent à la fois des changements positifs et d’autres points plus controversés. Le paquet de la réforme est divisé en plusieurs parties. D’une part, un nouveau règlement cadre définissant les objectifs politiques (il constitue la pierre angulaire de la nouvelle PCP) ; un nouveau règlement des marchés ; et un nouveau règlement du Fonds européen pour la pêche et son financement. Ces dossiers sont désormais dans les mains du Conseil européen (et donc des Etats-membres) et du Parlement européen. Lors des prochains 18 mois ou un peu plus, ces co-législateurs commenceront par adopter, chacun, leur position, puis ils tenteront de s’entendre sur un accord commun. Ensuite, seulement, la législation sera adoptée.


Quels sont les enjeux de la réforme ? Officiellement, la Politique commune de pêche doit mettre en place des « conditions économiques, environnementales et sociales durables » pour ce secteur. Pour les élus écologistes, cet intitulé est inadapté car ces trois buts peuvent rentrer en contradiction. C’est le cas quand on privile?gie par exemple les objectifs e?conomiques a? court terme au de?triment de la conservation des ressources. Pourtant, sans stocks de poissons abondants, il ne peut y avoir de secteur ni de communaute?s de la pe?che ! Il faut donc introduire plus de priorite?s. La révision de cette Politique commune doit assurer la durabilite? environnementale fonde?e sur un principe de pre?caution et une approche e?cosyste?mique. C’est le pre?requis essentiel a? la durabilite? e?conomique et sociale.

Quelles quantite?s de poissons peut-on raisonnablement capturer ? Sous pre?texte de pre?server l’emploi, les ministres des Etats-membres ont syste?matiquement ignore? les avis scientifiques en fixant des quotas de pe?che insoutenables pour les stocks de poissons. La Commission semble enfin le reconnaître : elle projette de permettre aux stocks de se reconstituer au-dela? des niveaux requis pour produire un « rendement maximal durable » (RMD). C’est un grand pas dans la bonne direction. Il faut désormais fixer un délai pour que les Etats-membres adoptent ce plan.

Qui devrait avoir le droit de pe?cher ? Traditionnellement, les permis sont accordés sur la base de la participation passée des navires à la pêche. Ceux qui ont pêché le plus reçoivent les parts de quotas les plus importantes. Une telle approche donne aux responsables de la sur-exploitation le droit de continuer à pêcher. La Commission propose désormais de laisser le marché déterminer qui peut pêcher. Les Etats-membres seraient ainsi obligés de mettre en place un système de droits de pêche, des « quotas individuels transférables » pouvant être échangés ou vendus, et sur lesquels on pourrait aisément spéculer ! Un système de ce type débouche trop souvent sur la concentration des droits de pêche dans les mains de ceux qui ont le plus de moyens et peuvent donc se permettre de payer les prix les plus élevés.

Pour les eurodéputés EELV, le droit de pêcher ne doit pas se baser sur la quantité mais sur la qualité. Ils estiment qu’il faut au contraire récompenser ceux qui pêchent de la manière la plus écologique et socialement responsable, en respectant les fonds marins, les habitats et les espèces qui s’y trouvent, en essayant de consommer moins de carburant et d’émettre moins de CO2, par exemple.

Les ressources marines ne sont pas des marchandises privées mais un bien commun de l’humanité. Ainsi pêcher, c’est contribuer le plus possible à l’intérêt général. Or, accroi?tre les volumes à tout prix mène à des pratiques scandaleuses comme le rejet en mer de grandes quantite?s de poissons et d’autres espèces (oiseaux, tortues, mammife?res marins…) capture?s et morts pour rien dans les filets. La Commission européenne propose d’interdire ces rejets dans le cas de certaines espèces de poissons qui font l’objet d’une exploitation commerciale. Une proposition qui ne condamne pas suffisamment ces pratiques et ne met pas assez l’accent sur les efforts à réaliser afin d’encourager l’utilisation de techniques de pêche plus sélectives et de qualité.

Des flottes de pe?che trop grandes ? Pour stopper une pêche insoutenable, la premie?re e?tape serait de réduire la capacité en commençant par e?liminer les bateaux et e?quipements de pe?che les plus destructeurs pour l’environnement. Pour la Commission pourtant, c’est encore une fois le marche? qui re?gulera naturellement la taille des flottes. Elle ne prévoit pas de veiller a? ce que seuls les navires de pe?che des types approprie?s soient maintenus.

L’Europe dans les eaux internationales. Les flottes de l’Union européenne ope?rent dans le monde entier. 28 % de ses captures se font en dehors des eaux européennes. Au niveau mondial, l’UE est le plus grand importateur de produits de poissons (ce qui représente plus de 60 % du poisson que nous consommons). Sur la sce?ne internationale, l’UE a donc l’obligation d’e?tablir des normes e?leve?es. Pour la premie?re fois, la Commission propose des dispositions minimales à respecter dans la conclusion de ses accords de pêche bilatéraux, afin d’assurer le renouvellement des stocks de poissons ou de promouvoir une bonne gouvernance dans les pays tiers. Toutefois, elle ne pre?voit pas de moyens de s’assurer que les navires de l’UE qui ope?rent dans les eaux de pays n’ayant pas conclu d’accord bilate?ral avec l’UE satisferont aux me?mes normes.

Océans : une dégradation bientôt irréversible

Moins spectaculaire que les catastrophes terrestres, le déclin des écosystèmes marins n’en est pas moins dramatique. Les scientifiques de l’IPSO (le programme international sur l’état des océans) ont publié une rapport fin juin 2011 qui établit le pire des scénarios. Selon eux, les océans seraient à la veille d’une crise biologique inédite depuis 55 millions d’années. Comment l’expliquer ? Conséquence directe du réchauffement climatique : la température des océans a augmenté. Ceux-ci ont dû assimiler 33 % du CO2 émis par les activités humaines. Cette pollution globale a provoqué une diminution progressive du pH des eaux ; une acidification qui impacte de manière dramatique l’existence des espèces marines animales et végétales en déstabilisant les écosystèmes et la chaîne alimentaire.

Pour en savoir plus, connectez-vous au site Internet des Verts/ALE consacré à la pêche en Europe et à la réforme de la politique commune de la pêche – et le rapport de l’IPSO disponible sur le site Internet de ce Programme international sur l’état des océans

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