» Programme CIA : Hélène Flautre et Thomas Hammarberg appellent à la fin du déni et de l’impunité »

29 octobre 2012
Le Parlement européen s’est toujours attaché à défendre les valeurs au nom desquelles l’Union s’est vu attribuer le prix Nobel de la paix 2012. Toutefois, son engagement ne reçoit pas toujours de réponses très constructives de la part des Etats membres et des autres institutions de l’UE.

Le 11 septembre 2012, les parlementaires ont adopté un important rapport d’initiative qui envoie un message fort aux Etats membres de l’Union. Le Parlement européen les presse de clarifier leur implication dans le programme de la CIA de détentions secrètes et de torture en Europe, en lien avec la guerre contre le terrorisme.

Cet appel fait suite à un rapport factuel et très poussé, mettant en lumière une complicité européenne dans des crimes de tortures, de détentions secrètes et de disparitions forcées.

Le rapport du Parlement Européen dénonce l’absence d’investigations claires sur les circonstances entourant ces graves violations aux droits de l’Homme, et ceci malgré le nombre croissant de preuves relevées par les institutions internationales de défense des droits de l’Homme, la société civile et les médias.

Il est pourtant avéré que les gouvernements européens ont fourni une aide à la CIA pour le transport par avion de suspects déportés vers des centres d’interrogatoires clandestins et que des tortures sévères ont été infligées dans ces « sites noirs », incluant le waterboarding (simulation de noyade), des exécutions simulées et des menaces à l’encontre des membres de la famille des victimes.

Tous les détenus conduits dans ces centres de détentions secrets, comme de nombreux autres suspects remis à la CIA, ont été soumis de multiples fois à des faits dégradants et humiliants : ils ont été déshabillés, ligotés, drogués, suspendus et affaiblis, puis emmenés de force à l’étranger dans des avions privés, vers un lieu et un destin inconnus.

Des infrastructures sécurisées ont été fournies par la Pologne, la Roumanie et la Lituanie, pour répondre aux demandes de la CIA de garder ces « détenus de grande importance ».
Ces demandes ont été faites dans le secret le plus absolu. Pendant longtemps, les gouvernements de ces Etats ont farouchement nié toute coopération avec la CIA.

Des investigations ont enfin été ouvertes en Pologne. Une enquête judiciaire est conduite par un groupe de procureurs spéciaux à Cracovie. Ceux-ci auraient, selon les médias locaux, mis en examen l’ancien chef de la sécurité polonaise dans le cadre de leur enquête sur l’existence de prisons secrètes de la CIA en Pologne.
Toutefois, l’on peut s’inquiéter de la lenteur des progrès accomplis par l’enquête, notamment en ce qui concerne la question de l’autorisation accordée par les autorités à la CIA d’installer un centre secret sur le territoire polonais.

En Lituanie, un comité parlementaire a établi que deux sites avaient été équipés pour les détentions secrètes de la CIA.
Toutefois, le Procureur général a décidé de clore l’enquête, au motif qu’il n’existait aucune preuve attestant que ces centres aient été utilisés. Des parlementaires européens, les avocats des victimes, ainsi que des ONG, plaident pour la réouverture de l’enquête

Les autorités roumaines ont quant à elles conservé une position de déni total, et il n’existe actuellement aucun signe d’ouverture d’enquête, en dépit de nombreuses preuves convaincantes fournies par le Conseil de L’Europe ou d’autres acteurs.
Suite au vote de la résolution du Parlement européen, le Président Traian Basescu a reconnu la nécessité de lancer une enquête judicaire indépendante sur les faits de détentions secrètes en Roumanie. Si cette enquête est menée et suivie d’effets, cela marquera une étape importante dans la lutte visant à mettre fin à cette culture de l’impunité qui règne autour des complicités européennes dans la mise en place du programme de la CIA.

Dissimuler la vérité conduira uniquement à détruire la promesse européenne de dignité et de démocratie.
La Commission européenne, le Conseil et les Etats membres de l’Union doivent prendre au sérieux le rapport du Parlement, car il a pour but d’assurer la transparence sur ce qui a été fait au nom de notre sécurité commune.
Des enquêtes solides, ainsi que des poursuites, doivent être menées en réponse aux violations qui ont été commises.

Hélène Flautre

Membre du Parlement Européen, rapporteur pour le rapport parlementaire sur le programme CIA en Europe (adopté en Septembre 2012).

Thomas Hammarberg

Ex Commissaire aux Droits de l’Homme au sein du Conseil de l’Europe.

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