ROMS: les eurodéputés questionnent la légalité des expulsions
Ce jeudi 2 septembre, les députés européens de la Commission des Libertés Civiles, Justice et Affaires intérieures ont pu pour la première fois partager leurs profondes inquiétudes sur le traitement réservé aux Roms par le gouvernement de Nicolas Sarkozy depuis cet été. Les députés Verts, socialistes, libéraux et de la gauche unitaire ont exprimé leurs doutes sur sa légalité vis-à-vis de la législation européenne. Seuls ceux d’extrême droite ont abondé dans le sens du gouvernement français, ce qui est fort de sens. Les élus, notamment français, du PPE ont quant à eux brillé par leur silence après avoir pourtant tenté de saborder la tenue d’un tel débat en commission.
La veille, plusieurs députés français ont rencontré Pierre Lellouche, Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes. Comble de l’hypocrisie, celui-ci « félicitait le Parlement pour son engagement en faveur de l’intégration des Roms » tout en se montrant agacé à la moindre critique ou inquiétude manifestée. Aussi, il met au défi quiconque de trouver des propos dans la bouche d’un ministre faisant l’amalgame entre Rom et criminalité. Le Secrétaire d’Etat omettrait-il l’amalgame grossier fait par le Ministre Brice Hortefeux en juillet dernier, à la sortie d’une réunion consacrée aux gens du voyage, en évoquant ces « compatriotes qui sont parfois un peu surpris quand ils voient de très grosses cylindrées tirer des caravanes, alors qu’on peut s’interroger sur les revenus » ?
De forts soupçons de non conformité partagés par les députés
Pour la Commission alors présente, la conformité de l’action du gouvernement français avec la directive sur la libre circulation et le séjour, mais aussi avec la Charte des droits fondamentaux, contraignante depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, notamment en matière de non discrimination (article 21), reste à établir.
Si les Commissaires Reding (Citoyenneté et droits fondamentaux) et Malmström (Affaires intérieures) ont rencontré le gouvernement français il y a quelques jours, une autre réunion, cette fois technique, a eu lieu vendredi 3 septembre pour obtenir des précisions sur les évènements. Il est bien entendu nécessaire d’obtenir des explications de la part du gouvernement français afin de le juger à l’entièreté des faits. S’en remettre toutefois uniquement au « présumé coupable » est totalement insuffisant. De nombreuses organisations de la société civile, qui travaillent au quotidien avec ces populations, auraient elles-aussi leur témoignage à apporter.
Les eurodéputés sont largement intervenus pour partager leurs soupçons de non conformité à la législation européenne: en effet, comment prétendre expulser de manière individuelle alors que sont fixés des contingents chiffrés d’expulsions et que les OQTF (Ordres à Quitter le Territoire Français) des Roms renvoyés ont été libellés de la même manière pour tous? Il n’a pas été manqué de rappeler que l’article 19 de la Charte interdit les expulsions collectives et les dernières décisions des tribunaux français annulant certains de ces OQTF…
Une nécessaire réponse européenne effective à la situation des Roms
Aussi la question de la situation plus générale des Roms en Europe a été soulevée. Si une réponse coordonnée au niveau européen est nécessaire parce que la question de la violation des Traités se pose, elle l’est aussi puisqu’au delà du cas français, cette situation inacceptable se retrouve dans de nombreux autres pays. D’ailleurs, certains eurodéputés ont fait part de leurs inquiétudes face au risque de contagion de ce racisme d’Etat à d’autres pays.
La Commission a rappelé que cette population, la plus discriminée d’Europe, a fait l’objet d’une communication propre en avril dernier suite au deuxième Sommet sur les Roms à Cordoue et bénéficie du Fond Social Européen à une hauteur de 10 milliards d’euros. La Commission a également nommé un groupe de travail pour analyser ce qui a été fait pour les Roms jusqu’à aujourd’hui et sur une meilleure utilisation des ressources financières. Ce groupe présentera un rapport au plus tard cet automne. Face à la frilosité habituelle de la Commission, les parlementaires l’ont appelé à aller jusqu’au bout de cette démarche et à ne pas se cacher derrière le principe de subsidiarité afin d’assurer pleinement le respect des droits fondamentaux par les Etats membres.
A l’heure actuelle, la Commission poursuit l’examen des éléments transmis par le gouvernement français. Elle pourrait présenter ses conclusions devant le Parlement européen lors d’un débat sur la situation des Roms, en plénière à Strasbourg, mardi prochain.
A l’occasion de ce débat, Hélène Flautre a rappelé que, face à cette triste et déplorable affaire qui interroge profondément les libertés constitutives de l’Europe et de son projet, le rôle premier de la Commission est d’être garante des Traités, une fonction qu’elle doit assumer pleinement. Il est aussi indispensable de tirer les leçons de ces évènements afin d’aboutir à une intégration sans pareille des Roms en Europe.
A suivre donc : la question des Roms sera au cœur des débats lors de la prochaine session plénière avec un débat le mardi 7 septembre. En réaction à la politique sécuritaire du gouvernement français, une résolution du Parlement viendra rappeler aux Etats membres leurs obligations en matière de lutte contre le racisme et la discrimination à l’égard des Roms et la nécessité de matérialiser un plan d’action européen visant à leur inclusion.
Pour plus d’informations:
https://europeecologie.eu/Roms-des-eurodeputes-rappellent