Taxe carbone aux frontières : la fuite en avant
La Commission défavorable
A Bruxelles pourtant, on ne l’entend pas de cette oreille. Le 6 avril dernier, des membres de la Commission européenne se sont déclarés officiellement peu favorables à une taxe carbone aux frontières [dans un rapport sur les sources de financements innovants], par crainte de générer des « conflits commerciaux et des mesures de rétorsion ». Ils font échos aux propos tenus par la Commissaire au climat et par le Commissaire au commerce. La discussion se poursuit : le 15 avril 2010, Nicolas Sarkozy, rejoint par Silvio Berlusconi, relance le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, sur ce thème. Ils plaident tout deux pour que soit précisé, lors du Conseil européen des 17 et 18 juin, dans quelles conditions l’UE pourra instaurer un tel mécanisme d’ « ajustement aux frontières ».
L’argument écologique
La taxe carbone aux frontières tend à rétablir une concurrence équitable. Or, en l’état actuel des choses, craindre une perte de compétitivité ou des « fuites de carbones » [la délocalisation des entreprises européennes les plus polluantes vers des pays tiers où la réglementation sur la protection du climat est moins stricte], n’est pas justifié. Pourquoi ? Car la politique climatique de l’UE n’est pas suffisamment ambitieuse et ne permet pas d’inciter réellement les entreprises européennes à limiter leurs émissions de CO2. Pire : aujourd’hui, le nombre trop grand de quotas alloués gratuitement aux entreprises dans le cadre du marché carbone (voir ci-dessous) a des effets pervers. Pour le moment, certaines entreprises, plutôt que de faire des efforts sur leur consommation énergétique, se constituent des rentes… Ne mettons pas la charrue avant les bœufs : avant de protéger les entreprises d’une concurrence déloyale, contraignons-les à polluer moins dans un marché mieux encadré !
Un droit à polluer ?
Dans le cadre du Protocole de Kyoto adopté en 1997, la Communauté européenne s’est engagée à réduire de 8 % ses émissions de gaz à effet de serre, entre 2008 et 2012 par rapport aux taux enregistrés en 1990. Pour ce faire, elle a mis en œuvre un système de droits d’émission communautaire qui alloue des quotas aux entreprises pour leurs émissions de gaz à effet de serre en fonction des objectifs de leur gouvernement en matière d’environnement. Il permet aux entreprises individuelles de produire un taux d’émissions supérieur à leurs quotas à condition qu’elles trouvent des entreprises qui produisent moins d’émissions et leur revendent leurs quotas. Problème : jusqu’à présent, trop de quotas ont été délivrés pour que l’incitation à réduire ses émissions de carbone soit forte. Cette situation a été exacerbée par la récession économique qui a fait chuter la production industrielle, et donc les émissions de carbone. Si l’Europe ne réduit pas le nombre de quotas, l’industrie pourrait continuer à utiliser les vieilles recettes carbonées du passé jusqu’à la fin de la décennie…
– Les eurodéputés Europe écologie démontent le projet de taxe carbone de Nicolas Sarkozy dans l’article La fiscalité écologique fait pschitt!