UE 2020: on s’était dit rendez-vous dans 10 ans

17 mars 2010
Par Karima Delli

Il y a dix ans, à Lisbonne, les chefs d’Etat et de gouvernement des 15 états membres de l’époque adoptaient une stratégie pour la croissance et l’emploi, voulant faire de l’Europe l’économie la plus compétitive au monde et éradiquer totalement la pauvreté à l’horizon 2010. Pendant social des réformes structurelles programmées par le Pacte de stabilité et de croissance qui avait accompagné la mise en place de la monnaie unique, ces orientations stratégiques n’avaient toutefois pas la même force contraignante, mais surtout ne fixaient pas d’objectifs concrets en vue de réaliser une véritable Europe sociale.

Deux élargissements (2004 et 2007), une tentative ratée de réforme institutionnelle (2005) et un nouveau traité au rabais (traité de Lisbonne, 2009) plus tard, nous voilà à l’heure du bilan de la stratégie de Lisbonne, et surtout de l’adoption d’une nouvelle stratégie pour les dix ans à venir.

S’agissant du bilan, le constat est sévère: l’Union européenne est plongée dans la crise économique, sociale et écologique la plus profonde qu’elle ait connue depuis les années 1930. La pauvreté et la précarité n’ont fait qu’augmenter, avec près de 80 millions de pauvres en Europe et des taux de chômage des jeunes, des femmes et des travailleurs non-qualifiés qui atteignent des sommets. Les travailleurs des pays de l’Est, au lieu de voir leurs droits sociaux et économiques s’améliorer pour rattraper ceux de l’Ouest, ont été mis en concurrence avec ceux-ci, victimes d’un dumping social et environnemental ravageur. Et les citoyens européens n’ont jamais eu aussi peu confiance en leurs institutions, déjà fragiles depuis l’adoption au forceps du traité de Lisbonne.

Alors maintenant, que faire? M. Barroso entame son deuxième mandat à la tête de la Commission confit de certitudes sur le capitalisme «vert» et la «croissance durable», la plupart des gouvernements des états membres ont basculé à droite ou sont en tout cas d’inspiration très libérale, et la réforme de la finance mondiale semble avoir bien du mal à aboutir. Dans ces circonstances, quel projet porter pour les dix prochaines années? Quels objectifs peut-on ambitionner pour cette Europe qui n’est pas parvenue à éradiquer la pauvreté en dix ans, comme le suggérait la stratégie de Lisbonne?

S’appuyant notamment sur la plateforme de propositions des ONG de la coalition anti-pauvreté et sur le programme du Green New Deal, le Groupe des Verts/ALE a déposé une proposition de résolution fixant des objectifs radicalement différents du charabia technocratique de la Commission Barroso II.

D’abord sur l’objectif même de la stratégie: loin d’être la solution pour sortir par le haut de la crise, la course à la croissance et la concurrence à tout prix semblent bien au contraire en être les principales causes.

Changer les indicateurs de croissance pour passer à des indicateurs de bien-être et ainsi mettre fin au culte du PIB, voilà ce qui devrait être la première des priorités. Ne plus raisonner en termes de «toujours plus», mais réfléchir à la meilleure manière de partager les richesses, toutes les richesses -y compris le savoir et la culture-, et au mieux vivre ensemble, sur une planète aux ressources limitées et aux capacités de régénération qui s’amenuisent de jour en jour.

Ensuite, fixer des objectifs contraignants et réalistes: atteindre les objectifs du millénaire des Nations Unies en réduisant le taux de pauvreté de moitié par période de 5 ans et doubler le montant de l’aide publique au développement pour atteindre 0,7% de PIB en 2015. Il faut aussi diminuer de 40% au moins les émissions de CO2 d’ici 2020, stopper la perte de biodiversité, notamment par la définition d’une nouvelle Politique Agricole Commune, investir massivement dans la recherche et l’enseignement, y compris en sciences sociales, et favoriser l’accès et le partage des savoirs pour encourager l’innovation, notamment par la promotion des logiciels libres.

Enfin, se donner les moyens de réaliser ces objectifs en donnant à la Commission et au Parlement les instruments juridiques et financiers, sur le modèle du Pacte de stabilité (qu’il faudra aussi réviser), de sanctionner les Etats défaillants et d’encourager, par des fonds supplémentaires, les réformes allant vers une société plus solidaire et une économie plus soutenable.

L’Europe doit parvenir à redonner confiance aux citoyens dans ses institutions aujourd’hui repliées sur leur fonctionnement bureaucratique et orientées par une idéologie conservatrice de compétition de tous contre tous et de dérégulation destructrice au nom d’un idéal de concurrence pure et parfaite.

Nous n’attendrons pas dix ans pour agir, c’est aujourd’hui que ça commence avec le vote sur la résolution du Parlement européen sur la future stratégie «UE2020». Les Verts seront au rendez-vous.

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