UberPop: halte à l’attentisme politique
Pour ou contre UberPop ? Pas un jour ne passe sans que cette question ne soit posée dans nos quotidiens, tant il est vrai que cette application numérique, en permettant à des particuliers d’en transporter d’autres, vient chahuter le modèle ultra-régulé des taxis. Lancée à Paris en 2014, l’application UberPop comptera bientôt 500 000 utilisateurs répartis dans neuf villes françaises, soit une multiplication par 10 en un an. Une croissance exponentielle qui conduit Uber à élargir son offre à de nouvelles villes chaque mois, preuve qu’UberPop, dans l’absolu moins cher qu’une course en taxi ou en VTC, répond à une demande de mobilité jusqu’à présent sans réponse. On aurait tort pourtant de mettre ce service sur le même plan que Blablacar et autres Drivy, ces services d’autopartage qui remettent en cause, eux aussi, le culte de la voiture individuelle. Car UberPop bouscule bien plus qu’une profession: il va jusqu’à remettre en cause notre modèle social dans sa globalité. Or, si la loi Thévenoud a tenté de répondre à l’apparition des VTC, aucune solution sérieuse n’a jusqu’à présent été proposée pour régler le problème Uberpop.
Il faut se rendre à l’évidence : son autorisation aveugle ne ferait qu’avaliser une révolution ultralibérale de notre économie, de notre modèle social et de nos modes de vie. Poussée à l’extrême, elle permettrait à n’importe qui d’être chauffeur UberPop le lundi, de tondre la pelouse du voisin le mardi, puis de donner des cours de soutien scolaire le mercredi. Sans statut légal, sans protection sociale ni la moindre retraite, chacun serait « libre » de travailler 15h par jour jusqu’à la fin de ses jours, en bon prestataire de service rémunéré à la tâche. Un virage qui, à terme, sonnerait la fin du salariat et l’avènement de l’économie des p’tits boulots, sous la bannière du dumping social et fiscal. Car au fond, bien plus que la rente des taxis, c’est la protection sociale qui est attaquée. Quelle utilité y aurait-il alors à remettre en cause un monopole pour le remplacer par autre, si ce dernier n’est fait que d’emplois précaires et ne permet pas plus de lutter contre la pollution en ville? Bien malin celui qui trouve la réponse.
Faut-il pour autant interdire UberPop ? Ce serait la pire des solutions. Car si le gouvernement annonce un renforcement des contrôles, il n’est pas difficile de comprendre qu’ils ne seront jamais suffisants pour empêcher de manière efficace l’utilisation d’un service qui, partout où il est interdit, se répand et fleurit en toute illégalité. S’il est sidérant de voir certains espérer l’interdiction de cette application dans une seule région de France, il est certes possible de le faire au niveau national. Mais Manuel Valls ira-t-il jusqu’à interdire Uber comme Erdogan a banni Twitter en Turquie ? Faudra-t-il suivre l’exemple du Parti Communiste Chinois qui filtre Google ? La vérité est que comme la prohibition de l’alcool dans l’Amérique des années 1920, et comme la prohibition des drogues de nos jours, la seule conséquence prévisible d’une telle interdiction est le développement d’une économie parallèle. C’est pourquoi, plutôt que de se retrouver au pied du mur, le législateur aurait tout intérêt à sortir de l’attentisme, afin d’anticiper ces bouleversements technologiques. Car le rôle du politique est, et doit rester, de légiférer au nom des valeurs collectives.
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Un commentaire
Je ne suis pas d’accord avec la position prise dans cette tribune. Uberpop, comme des centaines d’autres projets, va dans le sens d’une appropriation de la société par les citoyens, dans le sens de la mise en place de services publics associatifs, puisque l’Europe et ses lois constitutionnelles ultra-libérales les ont dézingué.
Le problème est bien, comme indiqué dans cette tribune, le problème des droits du travail, droits sociaux et de retraite, mais pas la nature, ni la typologie du service.
Dans certaines villes ( j’habite Nice…24 euros pour 6km en sortant de l’aéroport) les taxis sont de vraies mafias qui extorquent légalement des centaines de milliers de personnes. Les systèmes en réseau maillé, de pair à pair ( voir P2Pfoundation.net ) , qui animent les initiatives de Transition, sont une possibilité crédible, -d’avant un éventuel chaos-, pour remettre en état de vrais systèmes citoyens, de vrais services publics autogérés.
En effet, les systèmes de pair-à-pair sont à l’envers de l’ultralibéralisme, car ils mettent en avant les valeurs de solidarité, de communication, d’entraide, d’égalité, d’autogestion, de partage.
Uberpop n’est qu’un service web de mise en relation, avec taxe au passage. Rien n’empèche de faire un uberpop concurrent, associatif et autogéré, qui intègre les droits du travail, rien n’empèche de faire des lois qui permettent la prise en compte de ces travaux en P2P pour les droits sociaux, la retraite ET l’environnement. Un « framasoft » du P2P serait qualifié…. En général, on réalise la gestion éthique de ces services par l’usage des monnaies associatives, comme dans les SEL ( services d’échange locaux). C’est juste une question d’accompagnement numérique par les institutions. Malheureusement, dans la France gouvernée par des élites formatées par des idéologies archaïques, et surtout gouvernée par l’ultraliberalisme financier, la compréhension des éthiques et des technologies de réseau, appliquées au citoyen, est infime. On avait espéré du changement, « Maintenant », et le pire est arrivé, pire que les 10 années précédentes.
Donc, ne nous trompons pas de combat. C’est bien Uberpop qu’il faut doubler par la gauche, en réalisant un vrai service éthique, et non l’esprit du P2P qu’il faut interdire. Uberpop, ce n’est que du code et quelques serveurs…rien de plus.