Une gouvernance économique européenne en quête de vision
« Le rapport des cinq présidents campe dans un déni de réalité inquiétant. En effet, aucune union monétaire n’est viable sans mécanismes de solidarité financière, qui passent par une union budgétaire – un budget commun alimenté par une fiscalité commune – et/ou par une union sociale – un embryon de sécurité sociale commune, l’une et l’autre exigeant une légitimité démocratique robuste. On ne peut se donner une monnaie fédérale sans l’accompagner au moins de l’embryon d’une Europe fédérale. C’est ce choix que les Chefs d’État et de Gouvernement continuent de remettre sans cesse à plus tard, et ce rapport ne rompt pas avec cet immobilisme. S’il avance timidement vers un renforcement de l’union bancaire – par un système commun de garantie des dépôts – il abandonne toute ambition de mutualisation des dettes publiques.
Au lieu de travailler à des propositions remédiant aux failles fiscales, sociales et démocratiques de l’UEM, les 5 Présidents ont préféré persister sur le cap idéologique dont l’échec est patent. En particulier, ils focalisent toute leur énergie sur des mesures visant à renforcer la compétitivité de l’union, au sens le plus étriqué du terme puisqu’il vise exclusivement à l’atteindre par la réduction des coûts directs et indirects du travail.
Sourd à l’appel du Président de la BCE, Mario Draghi, à effectuer un saut ambitieux, JC Juncker s’est contenté de ressasser de vieilles méthodes qui ont pratiquement fait s’effondrer la zone euro et ont accéléré le creusement des inégalités sur notre riche continent. »
Selon Eva JOLY, membre Verts-ALE de la Commission des affaires économiques et monétaires:
« Cette pseudo-proposition ne résoudra pas les déséquilibres grandissants entre États membres de la zone euro. Tout ce qui est proposé continue d’aller dans le sens d’une gestion de la zone euro par les règles et les procédures techniques plutôt que par des politiques et des institutions communes démocratiques.
Ce faisant, en ne se donnant pas les moyens de politiques communes, les leaders européens laissent la Banque centrale européenne poursuivre seule, et sans orientation démocratiquement décidée, sa gestion de la zone euro via une politique monétaire arrangeante.
Il y a d’autres omissions flagrantes dans le rapport: aucune mention d’un budget de la zone Euro dans le budget de l’UE ni de tout autre instrument fiscal commun capable d’absorber les chocs économiques. Aucune proposition sur la possibilité de nommer un Commissaire européen en charge de la zone euro qui soit politiquement responsable.
Sur la question de la légitimité démocratique, les cinq présidents font preuve d’un mépris persistant des institutions parlementaires : c’est tout juste s’ils invitent les Parlements européen et nationaux à débattre – bien entendu sans rien décider – de ces sujets. Rien non plus sur la transparence, pourtant indispensable, des activités de l’Eurogroupe.
Enfin, aucune proposition n’est faite en vue de la création d’un fonds de rédemption ou d’eurobonds permettant la mutualisation et la gestion de la dette élevée de plusieurs États Membres. Les chefs des institutions de l’UE connaissent les avancées à réaliser pour permettre une majeure intégration toujours plus nécessaire. Mais, comme trop souvent, ont renoncé à mener la bataille de peur de se voir opposer un refus des chefs d’États. »