Une réforme des traités européens menace, à gauche, de rallumer les mauvais souvenirs de 2005

30 novembre 2011
30.11.2011

La gauche hantée par la fracture du référendum de 2005

Les clivages entre «ouistes» et «nonistes» pourraient réapparaître.

A l’époque, la bombe à fragmentation du référendum sur le traité constitutionnel européen (TCE) lancée par Jacques Chirac avait fissuré le PS et les Verts, tous deux pour le oui en interne alors que leurs électeurs avaient choisi le non le jour du vote. La fracture entre «nonistes» et «ouistes», résorbée depuis, se réveillera-t-elle en cet hiver européen ? «Faut-il avaler la couleuvre de la rigueur en échange des euro-obligations ? Cela risque de couper la gauche en deux», avertit Pascal Canfin, eurodéputé d’Europe- Ecologie – les Verts (EE-LV). «Le clivage entre les nonistes et les ouistes est dépassé», lui répond Christian Paul, député PS de la Nièvre et ancien partisan du non. «Le oui et le non, c’est de l’histoire ancienne. Ne cherchons pas des divisions artificielles au passé», renchérit Pierre Moscovici, ancien ministre des Affaires européennes de Lionel Jospin et ex-défenseur du oui.

«Carcan». Pour Christian Paul, une majorité de socialistes se retrouverait aujourd’hui dans l’adage : «L’avenir de l’Europe passe par un surplus de démocratie.»«D’une certaine façon, la crise a réglé nos désaccords», concède l’ex-noniste Benoît Hamon, pour qui cette réconciliation se vérifie dans le discours social-démocrate européen de Hollande mâtiné d’une dose de protection, comme l’instauration d’une taxe aux frontières de l’UE.

Aucun risque pour les socialistes de revivre les déchirements européens en 2012 ? «Face à l’opération Merkel-Sarkozy, avec le fédéralisme au service de la rigueur, il faut que Hollande mette ses tripes sur la table et fasse preuve d’audace démocratique, met en garde Christian Paul.Sinon, le malentendu peut repartir.»

En visite aujourd’hui à Bruxelles pour rencontrer, entre autres, le président de la Commission, José Manuel Barroso, Hollande doit s’exprimer sur la réforme des traités. Lundi, le candidat PS à la présidentielle refusait déjà le projet Merkel-Sarkozy : «Il s’agit simplement d’un nouveau carcan qui empêcherait la France de mener une politique.» Hier, les socialistes ont longuement causé Europe lors de leur bureau national. Tous les courants du parti s’accordent désormais sur l’émission d’obligations européennes pour financer de grands projets, relancer la croissance et autoriser la BCE à racheter de la dette ou créer un gouvernement économique européen.

Plus fédéralistes, les écologistes sont quant à eux prêts à accepter une partie du projet franco-allemand : «Entre pays partenaires, si tu es solidaire sur tes dettes, tu dois avoir un droit de regard sur les budgets», explique Pascal Canfin. Mais attention, souligne le député européen, «c’est logique de transférer ces pouvoirs, mais il est inacceptable de le faire sans contrôle démocratique». Pas question, donc, «qu’un sous-commissaire européen de Lituanie ou de Malte nous dise qu’on doit augmenter ou baisser le budget de l’Education», comme le dénonce Hamon, au PS. Ou d’aller jusqu’à donner les clés à un «supercommissaire qui n’a de comptes à rendre à personne», poursuit Canfin : «Là dessus on est tous d’accord, de Dany [Cohn-Bendit] à José [Bové]

En 2005, le premier était un promoteur du oui, le second avait fait campagne pour le non avec le PCF et Jean-Luc Mélenchon, alors encore au PS.

«Diagnostic». Le candidat du Front de gauche aimerait voir resurgir les débats de 2005. La situation actuelle «confirme notre diagnostic de l’époque, dit Mélenchon. Elle est le résultat direct de l’organisation actuelle de l’UE à partir du traité de Lisbonne, voté contre l’avis du peuple». L’ex-PS menace d’un nouveau clivage entre «refus ou acceptation de l’austérité». Selon lui, comme en 2005, «le débat ne respectera aucun front […]. Ce ne sont pas les étiquettes qui feront la loi, ce seront les idées». Avec le risque de voir, à gauche, apparaître de nouvelles fissures.

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