Évasion fiscale / « Lux Leaks »: Juncker doit répondre au Parlement européen
Commentant la situation, Philippe Lamberts, le co-président des Verts/ALE, a déclaré:
« Alors que la crédibilité du président de la Commission européenne et de l’UE elle-même sur la question cruciale de l’évasion fiscale est en jeu, l’heure est à la prise de responsabilité. Nous détenons aujourd’hui les preuves les plus concrètes que nous n’ayons jamais eues sur les mesures que prennent les entreprises multinationales pour éviter leur responsabilité fiscale et sur le rôle des acteurs publics pour en faciliter le déroulement. La réponse de l’UE doit être rapide et sans appel.
Nous pensons qu’il est impératif que le Président Juncker participe cette semaine au débat du Parlement européen sur les fuites « Lux Leaks » et qu’il s’intéresse aux conséquences au niveau de l’UE. Nous demandons aussi que le Parlement adopte une résolution lors de sa session plénière cette semaine définissant clairement les mesures à prendre. Si, comme les rumeurs le laissent à penser, les grands groupes politiques refusent de souscrire à ces propositions, cela nuirait à la crédibilité des institutions de l’UE.
Une fiscalité juste constitue l’une des bases essentielles d’une société durable et démocratique. Ce n’est que grâce à des actions ambitieuses et concrètes dans ces domaines que le Président Juncker retrouvera la confiance des citoyens européens, dont un trop grand nombre sont victimes de la pauvreté et de l’exclusion sociale au sein de l’UE, qui est pourtant l’une des régions les plus prospères au monde. »
Eva Joly, membre Verts/ALE de la commission des Affaires économiques et monétaires, poursuit:
« Aujourd’hui, notre groupe demande la mise en place d’une commission d’enquête du Parlement Européen sur l’ensemble des mécanismes d’évasion et de fraude fiscale non seulement dans plusieurs États membres de l’UE, mais également dans les États hors de l’UE. Mais une telle Commission, si elle doit aider à dire la responsabilité des uns et des autres, ne doit pas empêcher l’action immédiate. De nombreux dossiers sont sur la table, souvent bloqués par différents États membres.
Tout d’abord, il convient de faire respecter la législation existante. La Commissaire Vestager, en charge de la concurrence, doit donner la priorité absolue à la lutte contre le dumping fiscal et contre la concurrence fiscale déloyale. L’enquête en cours sur les accords fiscaux au Luxembourg et aux Pays-Bas doit être étendue à tous les pays soupçonnés de pratiques semblables et la Commission doit pour cela être dotée de toutes les compétences et ressources nécessaires. Les abattements fiscaux obtenus illégalement par les entreprises doivent être remboursés; les recettes pourraient être utilisées de manière adéquate afin de financer les plans d’investissement prévus par le président Juncker.
Il faudrait également légiférer rapidement afin d’accroître la transparence en matière de fiscalité de façon à rendre les pratiques révélées par « Lux Leaks » impossibles à dissimuler. Plus précisément, le régime de déclaration pays par pays devrait être étendu à toutes les sociétés transnationales et toute décision en matière d’impôt rendue publique. Un registre public devrait dresser la liste de tous les bénéficiaires réels de véhicules financiers tels que les fondations, les trusts et les fonds d’affectation; le Parlement européen a d’ailleurs voté en faveur de leur inclusion dans des règles européennes pour lutter contre le blanchiment de capitaux.
Dernier point, mais non le moindre, les États membres de l’UE doivent arrêter leurs luttes intestines sur la fiscalité des entreprises, un combat dont les seuls bénéficiaires sont les sociétés multinationales et les hauts patrimoines. Nous avons besoin d’un accord contraignant sur la mise en œuvre d’une assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés (ACCIS). En outre, des propositions pour un taux minimum d’imposition sur les sociétés européennes et les normes minimales en matière de convention de double imposition devraient également voir le jour. La directive «sociétés mères et filiales», la directive «intérêts-redevances» et la directive sur les fusions doivent toutes être révisées afin de combler leurs lacunes existantes.
La colère citoyenne est légitime. Depuis des années les écologistes ont porté une voix exigeante contre la résistance de puissants protagonistes. Le président Juncker n’a plus le choix. Il doit agir ou partir. Et chacun, notamment parmi les groupes de la grande coalition, doit assumer ses responsabilités. C’est le statut quo qui aujourd’hui menace l’idée européenne. »