Faire face à Trump et à ses relais européens

15 décembre 2025

Ces derniers jours ont été riches, sur le terrain des droits humains et du droit international. Mais malheureusement surtout en mauvaises nouvelles.

L’Europe démocratique, le seul ennemi des États-Unis de Donald Trump

À tout seigneur, tout honneur : l’administration Trump a dévoilé la Nouvelle Stratégie de Sécurité des Etats Unis le 7 décembre dernier. Et nous n’avons pas été déçus… Cette stratégie tourne le dos à la description traditionnelle de la politique étrangère américaine comme fer de lance de la lutte des démocraties contre les autocraties. Il faut dire qu’il ne s’agissait le plus souvent que d’un paravent hypocrite qui n’a jamais empêché les États-Unis de soutenir les pires dictatures. Il n’en reste pas moins que les États-Unis de Donald Trump ne trouvent désormais plus rien à redire aux régimes politiques de la Russie ou de la Chine, ramenée au rang de simple concurrent économique à combattre sur ce terrain.

Les seuls que la Maison Blanche continue de désigner véritablement comme des adversaires politiques des États-Unis sont désormais l’Union Européenne et les gouvernements démocratiques européens. L’administration Trump affiche clairement son intention à la fois de casser l’UE et de faire du « regime change » en Europe en y soutenant l’extrême droite.

S’il était encore besoin de convaincre qui que ce soit que les États-Unis de Donald Trump et les oligarques de la tech qui le soutiennent ne sont plus des alliés de l’Europe démocratique mais bien ses ennemis, au moins les choses sont claires. On peut reprocher en effet beaucoup de choses au président américain mais pas de ne pas dire publiquement ce qu’il entend faire…

Combattre sans état d’âmes les ingérences de Donald Trump

Comme l’ont montré les dernières avanies imposées à l’Europe par Donald Trump et ses compères russes dans le dossier ukrainien, le profil bas choisi par les dirigeants de l’Union et de ses principaux États membres depuis un an, ne fonctionne pas : Donald Trump ne respecte, et ne cède, qu’à ceux qui lui résistent. Il convient donc désormais de tenir bon, au sujet de l’Ukraine bien sûr, mais aussi sur la lutte contre le changement climatique et les normes environnementales ainsi que sur la régulation numérique européenne.

Il nous faut en particulier dénoncer et combattre sans état d’âme les ingérences inacceptables de Donald Trump et des oligarques de la tech dans les affaires intérieures de l’Union et de ses États membres. Il en va de l’avenir de nos démocraties et de nos libertés. L’extrême droite européenne, avec laquelle la droite est désormais alliée au sein de la « majorité Venezuela » du Parlement Européen, n’est pas constituée en effet de nationalistes et de souverainistes contrairement à ce qu’elle prétend, mais d’agents de deux puissances étrangères, la Russie de Vladimir Poutine et les États-Unis de Donald Trump, qui veulent de concert vassaliser l’Europe.

L’Union Européenne ne fait rien pour défendre les institutions multilatérales

Parallèlement, la Cour Pénale Internationale a lourdement condamné le 10 décembre dernier Ali Kushayb, un chef des milices soudanaises coupables d’atrocités au Darfour il y a vingt ans. Elle démontrait ainsi une fois de plus son utilité pour lutter contre l’impunité des massacreurs même s’il a fallu du temps pour que la justice passe. Mais parallèlement, son action est gravement handicapée par les sanctions décidées par les États-Unis en représailles contre les mandats d’arrêts lancés contre Benyamin Netanyahu et Yoav Gallant pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis à Gaza. Nous avons pu prendre connaissance en particulier ces derniers jours de la vie impossible que doit mener désormais le juge français de la CPI Nicolas Guillou, privé de carte bancaire et d’accès à tous les logiciels et plateformes américaines… 

L’Union Européenne pourrait pourtant bloquer ces sanctions qui touchent une institution internationale à laquelle elle se dit très attachée et dont le siège se trouve sur son territoire, à La Haye, aux Pays-Bas. Depuis 2023, l’UE s’est dotée en effet d’un règlement anti-coercition destiné précisément à empêcher des sanctions étrangères d’handicaper des organisations opérant sur son territoire. Mais pour l’instant les dirigeants de l’Union n’ont pas voulu en faire usage au profit de la CPI pour ne pas fâcher Donald Trump…

De même, la Cour Internationale de Justice a pris une décision il y a quelques semaines enjoignant à Israël de respecter (enfin) ses obligations suivant le droit international pour fournir de l’aide humanitaire aux Palestiniens et coopérer avec les institutions des Nations Unies qui sont chargées de les aider.

Israël contre le droit international (une fois de plus)

Loin de se conformer à ce jugement, le gouvernement israélien a décidé la semaine dernière d’occuper en toute illégalité le bâtiment de l’UNRWA, l’organisation des Nations Unies chargée de venir en aide aux réfugiés palestiniens, situé à Jérusalem-Est, la partie de la ville occupée illégalement depuis 1967. Là aussi, on attend toujours malheureusement la moindre réaction des dirigeants de l’Union Européenne.

L’administration Trump s’apprête également à sanctionner l’UNRWA après avoir déjà sanctionné Francesca Albanese, la rapporteuse spéciale des Nations Unies pour les territoires palestiniens occupés. Si l’Union Européenne entend réellement défendre le multilatéralisme comme elle le prétend constamment, il va falloir qu’elle finisse enfin par le montrer en pratique en se décidant enfin à affronter Donald Trump et Benyamin Netanyahu sur ces sujets.

Quand les sociaux-démocrates singent l’extrême droite

Last but not least, Keir Starmer et Mette Frederiksen, les dirigeants socialistes du Danemark et du Royaume Uni, rares pays d’Europe où la gauche est au pouvoir, n’ont rien trouvé de mieux à faire que de choisir la date du 10 décembre, la journée internationale des droits humains, pour publier ensemble une tribune dans le Guardian pour demander de modifier la Convention Européenne des Droits Humains (CEDH) pour « pouvoir combattre plus facilement l’immigration ». Avec une telle « gauche », Donald Trump ne devrait pas avoir trop de difficultés à amener l’Europe à s’aligner sur la politique xénophobe et liberticide de son administration…

Bref, il est plus que temps que l’Union Européenne et les dirigeants de ses États membres se décident enfin à combattre Donald Trump et ses relais européens et à prendre au sérieux leurs discours sur la défense du droit international et du multilatéralisme…

Mounir Satouri

 

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