L’Europe peut tirer la mondialisation vers le haut

4 mai 2009
L’Europe est le premier marché du monde. Aucune multinationale, aussi importante soit-elle, ne peut s’en passer sous peine de voir ses concurrents lui prendre d’immenses parts de marché. Nous avons donc le potentiel pour reprendre la main sur ces entreprises géantes en leur imposant nos conditions d’accès au marché.
En effet, si la mondialisation a affaibli la possibilité des États d’imposer des contraintes aux seules entreprises qui produisent sur leurs territoires (et qui ne s’imposent donc pas à leurs concurrents étrangers), elle n’a pas limité la possibilité de légiférer en termes d’accès au marché. L’Union européenne peut décider que, pour vendre les biens produits en Europe mais aussi à l’ex té rieur, les entreprises doivent respecter telles normes sociales et environnementales. C’est d’ailleurs ce qu’elle a fait, fin 2006, avec le règlement Reach, qui oblige l’industrie chimique à tracer les substances utilisées pour en réduire la nocivité sur la santé et l’environnement.

L’industrie chimique européenne peut délocaliser en Chine, au Brésil ou en Inde, elle n’échappera pas à la contrainte puisque, pour vendre ses substances dans l’Union européenne, elle doit prouver leur conformité avec le règlement Reach.

En 2008, l’Union a fait de même avec l’industrie du bois tropical. Elle a adopté un texte baptisé FLEGT, qui précise que le bois tropical dont la légalité ne peut être prouvée sur l’ensemble de la chaîne ne pourra entrer sur le marché européen.

L’Europe joue là un rôle très positif car elle donne un avantage comparatif à court terme à ceux qui respectent la loi et vont donc gagner des parts de marché. Elle agit au bénéfice des Européens et, finalement, au bénéfice de tous. Mais il faut maintenant aller plus loin et rendre plus systématiques les réglementations limitant l’accès au marché européen, sur la base de critères sociaux (le respect des conventions de base de l’Organisation internationale du travail [OIT] sur la liberté syndicale, le non-travail des enfants, le non-travail forcé, etc.) et environnementaux (les conventions internationales sur la biodiversité et l’accord international sur le changement climatique qui sera négocié en décembre 2009 pour prendre le relais du protocole de Kyoto après 2012).

Ce type de réglementation est-il possible dans le cadre actuel de l’OMC ? Sur les questions environnementales, la réponse est positive. La santé des consommateurs ou la protection d’espèces menacées, par exemple, sont des raisons reconnues par l’OMC pour mettre des limites au libre-échange. D’ailleurs, trois ans après l’adoption de Reach, aucun recours n’a été déposé devant l’OMC. Et cette réglementation est même en passe de s’étendre au Japon. Sur le plan social, la réponse est plus incertaine. Mais le combat politique vaut la peine d’être mené.

Nous proposons que l’Union adopte dès 2009 un texte conditionnant progressivement l’accès à son marché à la capacité de l’entreprise à prouver que toutes les conventions de l’OIT ont été respectées.

Les produits fabriqués en Chine seront directement concernés. Cette démarche ne manquera pas de générer des contentieux tant les intérêts économiques et géopolitiques menacés sont puissants. Mais nous serons alors au cœur d’une bataille majeure pour réguler la mondialisation. Et, compte tenu de la multiplication des conflits sociaux en Chine, rien ne dit que ce combat ne sera pas une chance pour ses habitants, qui se rebellent de plus en plus contre un pouvoir autoritaire. Le scénario d’une Chine coopérant à ce projet est également envisageable. Le Parti communiste a en effet parfaitement conscience de la dégradation de la situation sociale dans le pays. Dès 2006, il a d’ailleurs commencé à édicter un certain nombre de règles sociales pour obliger les entreprises, par exemple, à payer les heures supplémentaires effectuées. Mais il a dû limiter rapidement ses ambitions sous la pression des multinationales étrangères implantées sur son territoire qui ont menacé de délocaliser au Vietnam ou au Bangladesh si le coût du travail augmentait en Chine. Avec la réglementation européenne, cette menace de délocalisation sera limitée car ni le Vietnam ni le Bangladesh ne respectent les conventions internationales de l’OIT. Le fait d’y délocaliser une production destinée à être vendue en Europe sera donc sans effet sur l’accès au marché final.

Par ailleurs, l’élection de Barack Obama a changé la donne. Le débat sur la nécessité d’aller vers plus de contrôle du commerce international est très vif aux États-Unis, et Obama lui-même a signé des textes protectionnistes avant de se rétracter. La solution de l’accès qualifié au marché est une proposition intermédiaire entre un libre-échange dérégulé qui tire tout le monde vers le bas et un protectionnisme nationaliste qui considère qu’un produit chinois est mauvais juste parce qu’il est chinois. Il est donc tout à fait possible que les État s-Unis soutiennent cette proposition de l’Union européenne. Nous aurions alors réussi à enclencher un cercle vertueux pour tirer la mondialisation vers le haut.

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