Le Parlement européen, dernier rempart face au populiste Viktor Orbán
Quand un autocrate, au sein même de l’Union européenne, supprime les libertés individuelles, est coupable de corruption et détruit la séparation des pouvoirs dans son pays, il ne devrait pas recevoir de fonds publics européens, n’est-ce pas ? Clairement ! Mais le reste des États membres et la Commission européenne ne sont pas du même avis. Retour sur un naufrage démocratique.
Depuis son arrivée au pouvoir en Hongrie, Victor Orbán n’a eu de cesse de remettre en question l’État de droit. En l’occurrence, il est reproché à Victor Orbán et à son régime de s’attaquer à la liberté de la presse, à l’indépendance des juges ou encore à la liberté académique.
Dernier fait d’armes : l’adoption d’une loi dite « pour la souveraineté nationale », en vérité destinée à museler toute opposition, politique comme médiatique.
En 2020, les institutions européennes, lucides sur ces agissements, et au terme d’âpres négociations, s’étaient mises d’accord sur un paquet législatif jamais vu auparavant : un budget pluriannuel couplé à un plan de relance, avec la promesse de la création de nouvelles ressources propres et, enfin, pour protéger les intérêts de l’Union, un « mécanisme de conditionnalité État de droit ». Ce nom un peu barbare était censé permettre de bloquer le versement de fonds européens à des États membres qui ne respecteraient pas les critères de l’État de droit.
Depuis ce mécanisme a été activé pour protéger les intérêts financiers de l’Union et refuser que ses valeurs fondatrices soient bafouées sur son sol. Et pourtant, après des années de bras de fer et de pression, la Commission européenne a fini par céder au chantage du gouvernement hongrois. Le 13 décembre 2023, la loi sur la « souveraineté nationale » à peine adoptée, elle a débloqué plus de 10 milliards d’euros de fonds européens. Depuis, d’autres enveloppes ont été dégelées et il reste à craindre que plus rien ne gêne le versement de tous les fonds restants.
Notons que les États membres n’ont pas été beaucoup plus courageux et ont même permis ce naufrage, en ne trouvant pas de majorité qualifiée pour utiliser la procédure de l’Article 7(1) permettant de formuler des recommandations à l’encontre de leur homologue hongrois, afin qu’il respecte l’État de droit.
En cédant à ce chantage, les États membres et la Commission font honte aux idéaux qui fondent notre Union et ses valeurs.
En réaction, ce jeudi 18 janvier, le Parlement européen s’est clairement opposé à cette désastreuse régression. Les député·e·s, à l’exception de quelques membres du la droite (PPE), d’une poignée du groupe de la Gauche et de la majorité des deux groupes d’extrême droite (ID et ECR), ont adopté une résolution dont les principales victoires sont les suivantes :
- une demande claire aux États membres de prendre leurs responsabilités en déclenchant l’article 7(2) du Traité de l’Union européenne, prévoyant qu’à l’unanimité ils puissent décider de retirer à la Hongrie son droit de vote, et donc son véto systématique, arme cruciale dans sa stratégie de chantage ;
- l’instruction aux services juridiques du Parlement de lancer les démarches en vue d’une action en justice auprès de la Cour de justice de l’Union européenne, destinée à tenir la Commission européenne responsable de sa décision de débloquer les fonds européens ;
- une interpellation des États afin qu’ils empêchent, en accord avec les Traités, la Hongrie d’assurer la Présidence tournante de l’Union, prévue à partir du 1er juillet 2024.
Certes, toutes les cartes ne sont pas entre les mains du Parlement européen dans cette affaire et d’autres outils auraient pu être activés, à commencer par le dépôt d’une motion de censure à l’encontre de la présidente von der Leyen. Malgré tout, c’est bien le Parlement qui est, désormais, le seul rempart qui tienne face aux assauts du populiste Orbán, bien décidé à affaiblir les forces démocratiques du Vieux Continent.
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