Les emplois de demain sont verts !
Pourquoi protéger la planète et les droits des travailleuses et des travailleurs, ça va ensemble.
Le 1er mai de chaque année, nous célébrons la Journée internationale des travailleurs, ou fête du Travail. C’est une journée de solidarité et de soutien à tou·te·s les travailleuses et les travailleurs du monde entier. C’est aussi l’occasion de célébrer les victoires acquises par les mouvements de défense des droits des travailleuses et des travailleurs. L’Union européenne est à l’initiative de nombreuses lois en vigueur relatives à l’emploi : amélioration des conditions de travail, temps de travail maximal, protection contre la discrimination, droits en matière de maternité et de paternité dans toute l’Europe.
Mais il reste du chemin à parcourir. De nombreuses travailleuses et nombreux travailleurs sont lié·e·s par des contrats zéro heures ou exercent des emplois précaires en tant que travailleuses et travailleurs de plateforme. Nos emplois, nos lieux de travail évoluent rapidement. Le télétravail se généralise et de plus en plus de personnes travaillent à temps partiel. L’abandon progressif des combustibles fossiles au profit d’une économie plus verte entrainera également du changement. Nous sommes sur le point de voir éclore une nouvelle génération d’emplois, plus verts et plus équitables.
Quels sont ces emplois du futur ? Pourquoi seront-ils nécessairement verts ? Comment rendre les salaires plus équitables ? Comment assurer des salaires décents à l’avenir ? Et pourquoi la lutte contre les changements climatiques et le combat pour les droits des travailleuses et des travailleurs vont-ils de pair ?
En cette fête du Travail, quatre député·e·s du groupe Verts/ALE au Parlement européen nous racontent leur combat pour l’égalité salariale, pour des emplois meilleurs et plus verts, pour des salaires équitables et pour les droits des travailleuses et des travailleurs, dans un monde en ligne en pleine expansion.
Mounir Satouri : Une véritable transition écologique se fera selon les besoins des gens, pas de l’économie !
Mounir, qu’est-ce qui te motive à travailler sur les questions de justice sociale et des droits des travailleuses et des travailleurs ?
Je suis issu d’une famille pauvre qui a émigré du Maroc vers la banlieue parisienne. À la fin de mes études, j’ai voulu aider les gens de mon quartier. Des gens qui enchainent les petits boulots ou qui cherchent du travail, qui ont du mal à finir le mois et à subvenir aux besoins de leur famille. J’ai travaillé comme agent de placement et comme directeur d’un centre social. Quand tu vis dans ces banlieues, l’environnement te limite tout le temps. C’est plus difficile de se déplacer, de trouver sa place dans certains milieux professionnels, de faire les bons choix en matière d’éducation et de culture pour ses enfants. C’est pourquoi je me suis lancé en politique : pour me battre pour plus de justice sociale.
De quelle victoire en matière de justice sociale et de droits des travailleurs et des travailleuses es-tu le plus fier et comment améliore-t-elle la vie des gens ?
Ma plus grande fierté au Parlement européen est la victoire obtenue pour un salaire minimum européen. Cela signifie, concrètement, une augmentation de salaire de 20% pour 25 millions de travailleurs et de travailleuses en Europe.
La directive qui le prévoit permettra d’augmenter le salaire minimum dans deux tiers des États membres. C’est une manière très directe pour l’Union européenne de lutter contre la pauvreté, d’augmenter les salaires des plus précaires.
Qu’en est-il de l’avenir du travail ? Comment la transition vers une économie verte rendra-t-elle les choses meilleures et plus équitables pour tout le monde ?
La transition écologique est essentielle. Selon la version libérale, ce sont les entreprises qui l’opèrent tandis que les États en assument les coûts. La réalisation de cette version entrainerait un triple échec :
- Une fausse transition écologique, guidée par les profits économiques plutôt que par la protection de l’environnement ;
- Les ménages les plus précaires seraient abandonnés et stigmatisés ;
- L’inégalité augmenterait et, avec elle, le populisme et l’extrême droite.
La version que nous, groupe Verts/ALE, proposons, est celle d’une transition inclusive pour plus d’emplois et des emplois de qualité, durables et sûrs. Nous promouvons une économie et une agriculture locales, des énergies propres qui vont de pair avec une vision globale pour les territoires : celle de services publics de qualité, de garanties sociales face à la pauvreté, en particulier grâce à la mise en place de dispositifs de revenu minimum.
Sara Matthieu : Les emplois du futur sont verts. Voici comment ils peuvent à la fois améliorer la vie des travailleurs et des travailleuses et sauver la planète
Sara, pourquoi travailles-tu sur les questions de justice sociale et des droits des travailleurs et des travailleuses ?
Je m’investis socialement depuis mon enfance. Ma mère était assistante sociale. L’entendre parler des personnes en situation de pauvreté m’a convaincue de la nécessité de lutter pour plus de justice sociale. Mes parents m’ont appris que travailler pour un monde plus vert et plus social sont deux faces d’une même pièce.
Ma mère m’a également incitée à promouvoir un meilleur équilibre vie professionnelle/vie privée et à inclure la perspective de l’égalité de genre en matière de politique relative au travail. De nombreuses femmes occupent encore des postes moins bien rémunérés dans le secteur des soins de santé ou doivent travailler tout en portant la charge des tâches ménagères. En tant que jeune mère engagée en politique, je suis confrontée à beaucoup de ces problèmes. Je les comprends profondément.
Je trouve choquant qu’un·e citoyen·ne européen·ne sur cinq vive encore en situation de pauvreté et d’exclusion sociale. La majorité d’entre elles et eux travaillent, mais leur emploi ne leur permet pas de gagner leur vie décemment. Les gens ont du mal à joindre les deux bouts !
C’est pourquoi j’ai initié l’appel du Parlement européen pour un revenu minimum au-delà du seuil de pauvreté fixé par l’Union européenne.
De quelle victoire en matière de justice sociale et de droits des travailleurs et des travailleuses es-tu la plus fière et comment améliore-t-elle la vie des gens ?
La directive européenne sur le salaire minimum est sans aucun doute l’une de nos plus grandes victoires. Nous, groupe Verts/ALE, nous sommes battu·e·s pour des salaires qui prémunissent de la pauvreté.
Il est prévu que 25 millions de travailleurs et de travailleuses bénéficient de cette directive, avec une valorisation de 20% de leur salaire. Le taux de personnes qui travaillent mais vivent en situation de pauvreté diminuera de 10%. Beaucoup de foyers sortiront de la précarité et nous pouvons nous en réjouir et en être fiers/fières.
Les femmes courent presque deux fois plus le risque de dépendre du salaire minimum que les hommes. À emploi équivalent, ceux-ci gagnent toujours 13 % de plus que les femmes.
Nous luttons aussi pour la santé et la sécurité de 170 millions de travailleurs et de travailleuses dans l’Union européenne. Malgré les protections juridiques, plus de 3300 accidents mortels et 3,1 millions d’accidents non-mortels se sont produit au cours de l’année 2018. Plus de 200 000 travailleurs et travailleuses meurent chaque année de maladies professionnelles. Et saviez-vous que, dans l’Union européenne, 88 000 personnes meurent encore chaque année de leur exposition antérieure à l’amiante ? Nous devons faire baisser le nombre de cancers liés au travail. Je suis fière que nous ayons réussi à convaincre le Parlement européen de réclamer une Union européenne débarrassée de l’amiante. Maintenant, il faut que les gouvernements l’acceptent !
À l’avenir, tous les emplois seront verts ?
Notre société et nos emplois changeront certainement beaucoup dans la transition des combustibles fossiles aux énergies renouvelables et de la culture du jetable à l’économie circulaire. Les emplois liés aux énergies fossiles disparaitront. Dans mon propre pays, la Belgique, de nombreuses personnes souffrent encore de la disparition, le siècle dernier, des mines de charbon. Les conséquences sociales en ont été négligées.
Pour ne pas répéter la même erreur et ne laisser tomber personne, nous devons inclure des filets de sécurité pour tous les travailleurs et toutes les travailleuses. Nous avons aussi besoin de programmes de requalification pour aider les travailleurs et les travailleuses à s’adapter aux changements dans leur emploi et dans notre économie. Tout cela doit être fait en collaboration étroite avec les travailleurs et les travailleuses et les syndicats.
La transition vers une économie verte créera et développera des secteurs diversifiés, comme la rénovation les industries et services circulaires, et les énergies renouvelables. Ceux-ci offrent des emplois locaux, de meilleur qualité et en plus grand nombre que les anciens secteurs déjà en déclin.
Quand on parle d’emplois verts, on ne parle pas seulement d’environnement. Maintenant et à l’avenir, les emplois verts doivent aussi être décents, équitablement rémunérés et s’exercer dans de bonnes conditions de travail. De cette façon, nous pouvons véritablement améliorer la vie des gens et protéger la planète.
Kim van Sparrentak : Taxons les pollueurs, pas les travailleurs et les travailleuses – pour une population et une économie européennes en meilleure santé
Kim, pourquoi travailles-tu sur les questions de justice sociale et des droits des travailleurs et des travailleuses ?
L’activisme écologique est inséparable de la lutte pour la justice sociale. Quand j’étais plus jeune, j’ai parlé des changements climatiques à mes parents et des solutions pour les combattre. Ils m’ont simplement répondu : « Oh, ce n’est pas un combat pour des gens comme nous ; c’est un problème de riches qui peuvent s’offrir des Tesla et des panneaux solaires. » C’est ce genre de réactions qui m’a incitée à faire des recherches sur le potentiel social de la transition écologique pendant mes études.
J’ai vite réalisé que, surtout en matière de logement, l’impact positif des rénovations sur les factures de santé et d’énergie est particulièrement ressenti par les ménages vulnérables vivant dans des logements plus précaires. Soutenir particulièrement ces ménages pendant la transition écologique peut jouer un rôle majeur dans la lutte contre la pauvreté.
Tout le monde doit être en mesure de s’engager dans la transition écologique pour réussir à garder une planète vivable. Aider les gens à voir au-delà de la question de savoir s’ils pourront mettre assez de nourriture sur la table rendra la transition écologique plus démocratique. Mais pour faire de cette transition un vrai succès, nous avons besoin du pouvoir collectif des travailleurs et des travailleuses pour inciter les entreprises à prendre une direction plus durable. Par conséquent, les droits des travailleurs et des travailleuses font partie intégrante de la lutte contre les changements climatiques.
De quelle victoire en matière de justice sociale et de droits des travailleurs et des travailleuses es-tu la plus fière et comment améliore-t-elle la vie des gens ?
Selon moi, c’est certainement la directive européenne sur les travailleurs et les travailleuses des plateformes. En Europe, 28 millions de personnes travaillent en offrant des services via des plateformes numériques, comme des services de livraison avec lesquels vous pouvez commander de la nourriture.
Je suis fière que le Parlement défende fermement les travailleurs et les travailleuses des plateformes. Nous n’avons pas cédé à celles-ci, Uber et Deliveroo en tête, qui ont porté atteinte au droit du travail de l’Union européenne en déployant leur modèle d’entreprises. Grâce à cette directive, les travailleurs et les travailleuses des plateformes auront les mêmes droits que les autres. Ils et elles auront droit à des congés payés et le salaire minimum leur sera garanti. Ils et elles ne seront plus exposé·e·s aux caprices des algorithmes opaques pour l’utilisateur et l’utilisatrice. La mise en application de cette directive est essentielle pour préserver nos États sociaux et l’avenir du travail dans un monde de plus en plus numérisé.
Qu’en est-il de l’avenir du travail ? Pourrons-nous nous permettre de travailler moins ?
Dans une économie verte, nous transfèrerons la charge fiscale des travailleurs et des travailleuses vers les pollueurs. Les entreprises qui polluent davantage paierons davantage, c’est aussi simple que ça. Si notre système social devient moins dépendant de l’impôt sur le revenu, nous pouvons aussi, en tant que société, nous permettre de travailler moins et de nous concentrer sur d’autres aspects importants de notre vie.
Une économie verte sera aussi plus saine, dans la mesure où moins de gens tomberont malades à cause de leur travail.
Kira Peter-Hansen : Un meilleur emploi et un salaire décent – Détruisons le plafond de verre, pas la planète
Kira, qu’est-ce qui te motive à travailler sur les questions de justice sociale et des droits des travailleurs et des travailleuses ?
Le système socio-économique actuel n’est pas juste. Il y a tant d’injustices, comme la distribution inégale de la richesse et les fractures sociales qui en découlent. Ce n’est un secret pour personne : ces inégalités affectent les femmes et les groupes vulnérables de façon disproportionnée. Ces sujets me tiennent profondément à cœur, c’est pourquoi je veux changer les choses. J’ai rejoint la commission de l’Emploi et des affaires sociales du Parlement européen pour améliorer les conditions de travail, rendre le système fiscal plus juste et parvenir à l’égalité de genre.
De quelle victoire en matière de justice sociale et de droits des travailleurs et travailleuses es-tu la plus fière et comment améliore-t-elle la vie des gens ?
Je pense que ma réalisation la plus importante à ce jour est la directive européenne sur la transparence salariale. Celle-ci permettra aux travailleurs et aux travailleuses européen·ne·s de comparer les niveaux de rémunération. Elle garantira davantage de droits à l’information sur les conditions salariales et sur les salaires ventilés par genre. Cela signifie que des millions de travailleurs et de travailleuses européen·ne·s seront mieux préparé et mieux outillé dans leurs négociations salariales pour obtenir un revenu plus juste.
Après tant de travail et d’intenses négociations, c’est fou de se dire que cette directive sera enfin promulguée le 10 mai 2023. Les règles entreront en vigueur peu après. C’est une grande victoire pour des millions de travailleurs et de travailleuses en Europe et un échelon gravi pour aller briser le plafond de verre !
Qu’en est-il de l’avenir du travail ? Pourrons-nous nous permettre de travailler moins ?
Beaucoup de gens pensent que la transition écologique augmentera le chômage. Mais la vérité est qu’en promouvant de nouvelles façons de vivre et de produire, il y aura plus d’emplois et des emplois variés. J’espère sincèrement que nous saisirons cette opportunité pour rendre l’économie plus vertueuse. Nous devons éliminer la discrimination au travail. Il nous faut des emplois plus justes pour tout le monde.
Prenons la balle au bond, changeons et améliorons notre façon de travailler ! Pour ce faire, nous devons travailler en collaboration avec les partenaires sociaux, les parties prenantes et les citoyennes et les citoyens. Ensemble.
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