Paradis fiscaux : une liste noire qui blanchit des paradis notoires
Une semaine après la publication par Oxfam d’une liste suggérant de classer plusieurs de ses États membres comme paradis fiscaux, les ministres des Finances de l’UE ont approuvé aujourd’hui une liste noire officielle peu ambitieuse.
Cette liste répertorie les pays qui n’ont pas répondu aux demandes d’informations du Conseil européen ou qui ne se sont pas engagés à rendre leurs politiques fiscales conformes aux critères de l’UE. Les ministres européens ont également publié une « liste grise », recensant les pays considérés comme nuisibles mais qui se sont engagés à modifier leur législation fiscale. Aucun accord n’a été trouvé sur la liste des sanctions à l’encontre des juridictions figurant sur la liste noire.
La députée européenne Eva JOLY, Vice-Présidente de la Commission d’enquête sur les Panama Papers, a commenté :
« Encore une fois, les États membres mettent à mal la crédibilité de l’UE dans la lutte contre l’évasion fiscale. La liste noire sur laquelle ils se sont mis d’accord est loin de faire le compte. 17 pays y figurent, mais les tractations politiques ont conduit à mettre de côté des paradis fiscaux notoires, comme les territoires offshores britanniques, Hong Kong, le Qatar, ou encore la Suisse et les États-Unis. Cette liste est avant tout politique. Derrière les portes closes du « Groupe Code de Conduite », chargé de cette liste, les États membres ont réussi à faire pression pour que leurs propres dépendances et territoires alliés n’y figurent pas. Cette liste est une occasion manquée. Pour être efficace, cette liste doit surtout être accompagnée de sanctions ; il est incompréhensible que ce ne soit pas le cas.
Pour être crédible, l’UE doit aussi balayer devant sa porte. Comment expliquer que les États membres de l’UE aient été exclus d’emblée du processus de liste noire, alors que les Pays-Bas, l’Irlande, Malte, le Luxembourg et Chypre ne respectent pas les critères demandés aux pays tiers. Par ailleurs, c’est l’ensemble du processus d’élaboration de la liste noire qui doit être réformé pour le rendre plus transparent et plus objectif.
S’il est regrettable que les États membres ne se soient pas montré à la hauteur de leurs responsabilités, ce processus de liste noire européenne permet toutefois de se doter d’une liste noire plus fournie que celle de l’OCDE et offre le potentiel d’aboutir à des changements dans les pratiques fiscales de pays tiers problématiques. »
Contexte
Les travaux sur la liste noire des paradis fiscaux ont commencé en juillet 2016, au sein du « groupe Code de conduite » du Conseil sur la fiscalité des entreprises.
En novembre 2016, le Conseil a approuvé le processus à suivre, en fixant la fin de l’année 2017 comme date limite pour la finalisation de la liste. Elle a défini des critères d’évaluation des juridictions des pays tiers, à savoir la transparence fiscale, une fiscalité équitable et la mise en œuvre des mesures de l’OCDE anti-BEPS (érosion de la base d’imposition et transfert des bénéfices).
Depuis lors, le groupe «Code de conduite» a supervisé un «screening» via un dialogue technique avec 92 juridictions de pays tiers pour vérifier leur conformité avec les critères de l’UE. Après des discussions non-publiques entre les États membres de l’UE, les résultats de ce processus de sélection sont les deux listes publiées aujourd’hui. Jusqu’à présent, il semble que les documents du processus de sélection et les procès-verbaux des réunions des États membres ne soient pas publiés. Les États membres de l’UE ont par ailleurs été exclus d’emblée de ce processus d’évaluation.