Renoncement de la professeure Fiona Scott-Morton : une victoire en demi-teinte pour la transparence et la souveraineté européenne
Alors que la polémique enflait depuis sa nomination le 11 juillet, la professeure Fiona Scott-Morton a finalement renoncé, ce 19 juillet 2023, au poste d’économiste en chef de la DG Concurrence.
Pour les écologistes français·es, c’est une bonne nouvelle. Si les compétences de Fiona Scott-Morton ne sont pas en doute, ce sont bien ses anciennes fonctions auprès d’Apple, Microsoft, Amazon et des groupes pharmaceutiques Pfizer et Sanofi qui faisaient planer un risque patent de conflits d’intérêt. Au regard de ses activités passées et des enjeux européens de responsabilité et de souveraineté, Fiona Scott-Morton n’aurait jamais dû être recrutée à ce poste par la Commission européenne.
À la demande des eurodéputé·e·s, la vice-présidente de la Commission européenne chargée de la Concurrence, Margrethe Vestager, est venue le 18 juillet 2023 s’expliquer de cette nomination dans le cadre d’une audition au Parlement européen. Les arguments d’autorité et nombreuses hésitations de la Commissaire n’ont pas permis de lever les doutes sur cette nomination.
Ainsi, face aux semi-vérités de la Commission, des interrogations majeures subsistent.
D’abord, sur la procédure de recrutement. Alors que les haut-fonctionnaires européen·ne·s doivent normalement être ressortissant·e·s d’un État membre de l’Union européenne, Fiona Scott-Morton a bénéficié d’une dérogation jamais utilisée jusque-là pour un tel poste. Nous ne remettons pas en cause les compétences de la Pr Scott-Morton, mais ne pouvions-nous pas trouver parmi les chercheuses et les chercheurs européen·ne·s une personne au profil correspondant/répondant aux exigences de cette fonction ?
Ensuite, sur le potentiel conflit d’intérêt et sa capacité à exercer ses fonctions. La chercheuse américaine a précédemment travaillé comme consultante pour des grandes entreprises des secteurs numérique et pharmaceutique. Dans un contexte où l’Union européenne cherche justement à réguler les GAFAM, cette simple information aurait dû suffire à écarter sa candidature. En tant qu’économiste en chef, Fiona Scott-Morton allait être amenée à travailler sur des cas dans lesquels elle a donc été partie prenante. Si la Commissaire à la Concurrence nous a assuré que cela concernait « seulement une poignée de cas », la plus-value d’embaucher une personne qui devra se récuser des cas les plus importants et les plus emblématiques sur lesquels elle était censée devoir travailler est, a minima, questionnable.
Autre point, Mme Vestager a affirmé qu’il n’y avait pas besoin d’une habilitation de sécurité pour le poste d’économiste en chef. Pourtant, la fiche de poste dit le contraire. Dans le cas de Fiona Scott-Morton ça n’aurait pas été possible puisque celle-ci doit être octroyée par un État membre de l’Union européenne. Nous doutons donc que Fiona Scott-Morton ait été à même de remplir les fonctions pour lesquelles elle a été recrutée.
Une double leçon doit être tirée de cette affaire.
Attaché·es aux exigences de transparence, nous ne pouvons que déplorer l’opacité manifeste tout au long de cette procédure. Les règles internes de la Commission européenne en matière de transparence et de prévention des conflits d’intérêt doivent être renforcées. Les possibles conflits d’intérêt ont été évalués post-recrutement puisque, de l’aveu même de la Commissaire, la liste des dossiers sur lesquels Fiona Scott Morton aurait dû se déporter était en cours d’établissement. C’est tout à fait symptomatique des problèmes à résoudre.
Enfin, à l’heure où l’Union européenne parle de régulation du numérique, donc des géants américains, et d’indépendance, cette nomination était une faute politique. Pour préserver notre souveraineté économique, nous devons cesser d’être naïfs.
Damien Carême, Karima Delli et Claude Gruffat, pour la délégation Europe écologie
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