A Grande-Synthe, la solidarité citoyenne prend le relais de l’inaction de Londres, Paris et Bruxelles
« Ici, c’est pire que Calais! »
C’est la première chose qui frappe Karima DELLI, députée européenne écologiste du Nord : « ici, c’est pire que Calais! » Ce camp de fortune a vu le jour en quelques semaines. A l’été 2015, ils n’étaient « que » quelques 80 réfugiés à camper là en attendant de tenter leur chance pour l’Angleterre. Mais depuis le renforcement des contrôles à Eurotunnel en septembre dernier, ce nombre a été multiplié par 100 atteignant aujourd’hui entre 2500 et 3000 réfugiés. Tous les jours, de nouveaux arrivants découvrent avec effroi les conditions dans lesquelles ils vont devoir attendre plusieurs jours, des semaines, voire des mois, dans le froid et la boue.
Le camp, principalement composé de kurdes ayant fuit la guerre en Syrie, Irak et Afghanistan, ne bénéficie d’aucune aide de l’état français. Seule la police nationale surveille l’entrée, décidant sans logique apparente de ce qui entre et sort du camp. La Préfecture bloque notamment tout ce qui pourrait s’apparenter à des « matériaux de construction »… comme les palettes. Celles-ci sont pourtant la seule chance pour les réfugiés de ne pas dormir dans la boue! Le dénis de responsabilité de l’état français scandalise et démoralise les volontaires belges et britanniques venus apporter une touche d’humanité dans ce qui ressemble davantage à un bidonville qu’à un camp humanitaire.
La mairie de Grande-Synthe et MSF ont pourtant mis à disposition quelques sanitaires, des tentes, et le strict nécessaire pour pouvoir cuisiner au moins un plat chaud par jour. Le camp, qui abrite entre 200 et 300 enfants dispose également d’un petit chapiteau faisant office d’école. Mais le jour de notre visite, les enfants se blottissent dans les tentes, aucun bénévole n’est disponible pour s’occuper d’eux. Le camp aura également connu plusieurs naissances, dans des conditions qu’on imagine inhumaine. Les femmes enceintes sont emmenées d’urgence dans les hôpitaux du coin pour accoucher, mais sont renvoyées au camp quelques jours plus tard.
Quand la solidarité citoyenne prend le relais de l’inaction de la France et de la Grande-Bretagne
Les milliards d’euros annoncés par l’Union européenne et ses États membres pour « gérer » la crise des réfugiés n’auront donc jamais atteint la Côte d’Opale. A Grande-Synthe comme à Calais, la France et la Grande-Bretagne se rejette mutuellement la responsabilité. L’absurdité du système de Dublin, que les écologistes dénoncent depuis des années, voudrait que ce soit la France qui prenne en charge les demandes d’asile des réfugiés arrivés en France. Mais qui songerait rester dans un pays qui vous accueille les pieds dans la boue!
D’autant que la plupart d’entre-eux ne parlent pas Français, et ont de la famille et des amis qui les attendent en Grande-Bretagne. Désemparés, les réfugiés manquent aussi souvent d’information sur leurs chances de trouver asile des deux côtés de la Manche.
Heureusement, le maire écologiste de Grande-Synthe, Damien Carême, a décidé de construire le « premier refuge de la solidarité européenne ». Un nouveau camp, construit à quelques centaines de mètres de là, respectant toutes les normes du Haut Commissariat de l’ONU pour les Réfugiés (HCR), et pouvant accueillir environ 2500 personnes. 500 tentes chauffées pouvant accueillir 5 personnes chacune ont déjà été achetées avec l’aide de MSF.
Car une fois de plus, si l’État français a « gracieusement » accepté que la mairie construise ce nouveau camp, il n’en assumera aucun coût… et surtout aucune responsabilité! Le maire est prévenu, il sera seul face à la justice si un problème surgit. Il aimerait pourtant que son action encourage les maires de toutes les villes européennes qui se trouvent sur la « route des migrants » à apporter un peu de répit et d’humanité à ces millions de gens qui fuient la guerre et des conditions de vies inhumaines dans leurs pays et aimeraient trouver refuge en Europe. Mais la solidarité a un coût… 2,5 millions d’euros par an que Damien Carême recherche toujours désespérément pour gérer au quotidien ce nouveau refuge.
Crédits photos : Julien Pitinome, collectif Oeil