« Un accord mondial sur la biodiversité est encore possible »
De nombreux signes positifs ont émergé durant ces derniers jours. Cependant, la fragilité du compromis est toujours prégnante et à quelques heures de la clôture de ce sommet onusien sur la biodiversité de Nagoya, personne ne peut véritablement dire encore quelle en sera l’issue. Travaillant tard dans la nuit, depuis dimanche dernier, les délégués à la 10ème Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique (COP-10) ont essayé de trouver un accord sur la mission du plan stratégique 2011-2020. Le plan, partie cruciale du paquet de décisions qu’on attend de la COP-10, pourrait être adopté le 29 octobre, pendant la dernière session plénière de la réunion. Malgré les progrès des derniers jours, à la veille du dernier jour de négociations, le texte soumis à la considération des Parties contient encore plusieurs libellés entre crochets, sur les dispositions essentielles.
Les négociateurs se sont entendus cette semaine sur la vision globale du plan : « Vivre en harmonie avec la nature où, d’ici à 2050, la diversité biologique est valorisée, conservée, restaurée et utilisée avec sagesse, préservant les services écosystémiques, maintenant la planète en bonne santé et procurant des avantages essentiels à tous les peuples ». Pourtant, ils n’ont pas pu trouver un consensus quant à sa mission effective. Hier, l’Union européenne, l’Australie, les Iles du Pacifique, la Suisse et la Norvège ont appelé à un message politique fort, soutenant l’option « mettre fin, d’ici 2020 » à l’érosion de la biodiversité. D’autres, tels que le Brésil, la Chine, le Groupe Africain, et l’Inde, ont appuyé l’option « dans la perspective de l’arrêt de l’érosion de la biodiversité d’ici 2020 ». Le Mexique a suggéré une troisième option : utiliser la formulation « mettre fin », mais sans y fixer de date butoir.
De manière similaire, les états n’ont pas encore abouti à un accord sur le niveau d’ambition concernant les aires protégées. Les crochets sont maintenus autour des chiffres dans le 11ème objectif du Plan : d’ici à 2020, au moins 15 %, 20 % ou 25 % des superficies terrestres et d’eaux intérieures et 6 %, 10 % ou 20 % des zones marines et côtières auront été conservées. L’objectif portant sur l’augmentation des capacités (ressources humaines et de financement) d’application de la Convention reste également en suspens.
Des points de blocage durs persistent toujours concernant le protocole ABS. La question centrale reste la limitation de son champs d’application et les discussions portent encore sur les dérivés de l’ADN et sur les pathogènes. Certains pays souhaiteraient en effet y inclure une exception concernant les virus en cas de pandémie mondiale. En marge des négociations sur ce sujet, les pays africains souhaitent affirmer leur poids politique et proposent la création d’un fonds spécial pour répondre à la problématique des ressources transnationales.
Nous l’avons vu ces dernières heures, les États commencent à faire des annonces financières volontaires, dont il faudra vérifier le caractère additionnel et leur engagement effectif. Ainsi, rien n’est encore joué. Même si elle prouve sa compréhension de l’interdépendance des enjeux liés à la biodiversité et au développement, la communauté internationale prend progressivement conscience de certaines limites de notre modèle de développement et de l’urgence à agir. Peut-être sommes-nous en train de redéfinir le contour de nos relations économiques vers un nouveau modèle plus équitable et durable. La volonté exprimée de mobiliser les investissements publics dans la lutte pour la protection de notre capital naturel est à ce titre une excellente nouvelle. Nous pourrions donc aboutir d’ici ce soir à un package juste et ambitieux, composé d’un plan stratégique, d’un protocole ABS et d’une stratégie de mobilisation des ressources. Les hommes et femmes de bonne volonté de Nagoya sont déterminés à réussir. Les prochaines heures seront décisives pour l’avenir de la planète mais aussi pour l’avenir des relations internationales.