Catastrophe de Bhopal: un jugement dérisoire plus de 25 ans après
Catastrophe de Bhopal: un jugement dérisoire plus de 25 ans après.
Bruxelles
Lundi 7 juin 2010, huit anciens salariés de l’usine de pesticides
d’Union Carbide à Bhopal (capitale du Madhya Pradesh, au centre de l’Inde)
ont été jugés coupable de négligence par un tribunal indien. Ils risquent
deux ans de prison, une peine ridicule au regard de la catastrophe. Ce
jugement a suscité l’indignation des comités de victimes pour qui les
condamnations éventuelles ne risquent pas d’être à la hauteur des enjeux.
Il y a plus de 25 ans, dans la nuit du 2 au 3 décembre 1984, un nuage de
gaz mortel s’était échappé de l’usine américaine de pesticides Union
Carbide, au Nord de Bhopal, tuant presque instantanément plus de 15 000
personnes et faisant au cours des années suivantes des dizaines de
milliers de morts et de malades. Il s’agit sans doute encore aujourd’hui
de la plus grande catastrophe industrielle de l’histoire.
La firme américaine Union Carbide avait réglée « à l’amiable » en 1989 son
contentieux avec les autorités indiennes, en versant 470 millions de
dollars d’indemnisation en échange de l’abandon des poursuites pénales,
soit à peine 500 dollars par victime. Rachetée depuis par le groupe Dow
Chemical, celui-ci se considère aujourd’hui exempt de toutes
responsabilités vis-à-vis de la catastrophe.
Pour Karima Delli, eurodéputée Europe Ecologie et membre de la délégation Inde au Parlement européen: « Ce jugement, certes provisoire, n’est nullement à la hauteur de la catastrophe. Il est scandaleux
d’avoir attendu 25 ans pour un verdict aussi ridicule. Environ 100.000
personnes vivant près de l’usine sont encore victimes de maladies
chroniques et les enfants qui naissent à proximité sont aujourd’hui des
condamnés en sursis, par faute de décontamination sérieuse du site. Quant
aux véritables responsables, Warren Anderson en tête, ils continuent de
bénéficier de l’impunité. Il n’y a vraiment pas de quoi se réjouir de ce
jugement. L’Union Européenne doit au contraire faire pression sur les
autorités indiennes, à l’heure où elles négocient ensemble un accord de
libre-échange, afin de réclamer de véritables sanctions à l’égard de tous
les responsables et une décontamination totale du site. Il ne faut pas
attendre une troisième génération de condamnés « .
Pour Michèle Rivasi, eurodéputée Europe Ecologie et membre de la
Commission Santé et Environnement: « La catastrophe industrielle de Bhopal
est révélatrice du climat délétère qui a accompagné le développement du
commerce international au cours des trente dernières années. En effet les
pays riches n’ont pas hésité à délocaliser leurs industries les plus
polluantes pour bénéficier – dans les pays d’accueil- de réglementations
plus souples concernant les normes de pollution (*). Mais cet état de fait
ne doit en aucun cas aboutir au délaissement des victimes silencieuses,
ainsi les nappes phréatiques restent contaminées et cet empoisonnement a
des conséquences inter-générationnelles effroyables! En plus d’être
cancérigène et d’affecter le système nerveux, il traverse la paroi du
placenta chez les femmes enceintes, affectant directement les fœtus entrainant
malformations et décès des nouveaux nés. Le cauchemar ne s’arrêtera donc
que par une décontamination de la nappe phréatique, aux frais de Dow
Chemical bien évidemment ».
(*) Ainsi aux Etats-Unis, l’administration Reagan avait encouragé les
fabricants de produits industriels dangereux à s’installer dans des pays
moins exigeants que les Etats-Unis quant aux normes de sécurité.