Catherine Grèze : « Copenhague a montré l’intérêt des citoyens pour la cause climatique »
D’abord, l’Union européenne doit insister auprès des Etats-membres pour qu’ils investissent dans des fonds existants, comme le fonds pour l’environnement mondial de l’ONU ou le fonds pour les pays les moins avancés. A Copenhague, les pays riches se sont également engagés à fournir 10 milliards de dollars en un an. Pour ne pas recycler des aides existantes comme le font la plupart d’entre eux afin d’atteindre cet objectif, il faut trouver de nouvelles ressources et mettre en œuvre des taxes innovantes et « vertes » sur le transport international, le marché carbone ou les transactions financières…
Les pays en développement seront condamnés à des activités très polluantes ou non-rémunératrices si on ne partage pas avec eux les technologies propres qui permettent de limiter les émissions de gaz à effet de serre. C’est un autre enjeu important de Cancún. Il faut veiller à la création de centrales de partage de brevets et au transfert de compétences, notamment via l’aide au développement. L’UE devrait développer la cohérence de ses politiques pour le développement et le changement climatique, mais aussi prêter l’oreille aux initiatives citoyennes qui se développent partout dans le monde.
Les revendications de la société civile sont-elles suffisamment prises en compte lors de ces négociations internationales ?
Je ne crois pas. En 2009, les manifestations qui ont eu lieu à Copenhague ont pourtant montré l’intérêt des citoyens pour la cause climatique. Quelques mois plus tard, en avril, plus de 35 000 personnes se sont rendues à la Conférence mondiale des peuples sur le changement climatique à Cochabamba. Des propositions alternatives et pertinentes ont pu être discutées lors de cette rencontre – l’idée d’un Tribunal international de justice climatique et environnementale qui pourrait juger les pays, les entreprises ou les personnes jouant un rôle dans l’aggravation des changements climatiques ou encore celle d’un référendum mondial.
Actuellement, les peuples indigènes s’organisent et se réunissent à Mexico. Ils souhaitent s’exprimer d’une seule voix pour faire avancer leur cause lors de ces négociations internationales dans lesquelles ils n’ont pas droit à un représentant officiel. Ils s’opposent au mécanisme de Réduction des émissions liées à la déforestation et la dégradation des forêts (REDD) qui est pourtant très largement soutenu par la communauté internationale. Ce programme récompense financièrement les pays pauvres qui luttent contre la déforestation ou tentent de conserver leurs forêts. Si on n’intègre pas à ces projets localisés, les communautés qui y vivent, cela n’a pas de sens. Elles ne souhaitent pas que leur territoire soit à vendre contre des permis d’émissions.
Malheureusement, certaines propositions n’entrent pas forcément dans les cadres imposés par les institutions internationales ou les pays développés.
C’est dommage car certaines initiatives sont porteuses. C’est le cas en Equateur par exemple : ce pays demande au reste du monde un appui financier pour réussir sa transition vers un modèle de développement plus soutenable et une économie post-pétrolière. Son parc national Yasuní, au nord-ouest de la région amazonienne, renferme 850 millions de barils de pétroles, soit 20 % des réserves totales du pays. Le gouvernement propose de ne pas exploiter cette richesse pour préserver le parc, un patrimoine naturel de l’humanité, sa biodiversité unique et les populations indigènes qui y sont installées. Ils s’engagent à ne pas profiter de cette rente mais demandent un soutien financier à la communauté internationale via le fonds Yasuni ITT. Son capital sera investi exclusivement dans le développement de sources renouvelables d’énergie hydraulique, géothermique, éolienne ou solaire… afin de réduire l’utilisation des combustibles fossiles. Lors de la prochaine session plénière du Parlement européen de Strasbourg, je compte interpeller la Commission européenne sur cette initiative.