Daniel Cohn-Bendit : «L’Europe négocie un traité dont elle n’a pas besoin»

24 janvier 2012
Pour Daniel Cohn-Bendit, coprésident du groupe des eurodéputés Verts/ALE au Parlement européen, le futur traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union européenne, débattu demain par les ministres des Finances des Vingt-Sept, ne « sert à rien ». Et oublie la relance économique. Interview réalisée par Jean Quatremer à lire dans le quotidien Libération du lundi 23 janvier 2012.
– Lire l’intégralité de l’interview de Daniel Cohn-Bendit sur Libération.fr
ou sur le blog du journaliste Jean Quatremer, Les coulisses de Bruxelles.

Ce traité créant une «union budgétaire» entre les Etats de la zone euro est-il nécessaire ?

Pour le Parlement, absolument pas. Tout existe déjà dans les textes que nous avons adoptés l’an dernier, en particulier dans la réforme du Pacte de stabilité et le renforcement de la coordination des politiques économiques et budgétaires. Pour le surplus, il suffirait de modifier la législation existante. La seule chose qui nécessiterait un nouveau traité, c’est la constitutionnalisation, dans les législations nationales, du « frein à l’endettement » ou « règle d’or » [qui impose un retour à l’équilibre budgétaire, ndlr]. Mais ce traité ne réglera pas la question, car il y a d’une part des Etats qui ne le ratifieront pas et, d’autre part, des Etats qui ne pourront retranscrire cette règle d’or dans leur droit interne. Par exemple, en Finlande, il faut une majorité des quatre cinquièmes pour modifier la Constitution… Même chose aux Pays-Bas ou en Grèce. En France, il n’y a tout simplement pas de majorité politique pour une telle règle. On est dans le pur affichage politique : on négocie un traité dont on n’a pas besoin.

Pourquoi les Etats, eux, croient-ils en avoir besoin ?

Tout le monde s’est soumis à l’idéologie imposée par le gouvernement allemand, soutenu par ses homologues finlandais et néerlandais : pour lui, la stabilisation des marchés passe par une pérennisation de la rigueur budgétaire, sans qu’il soit besoin de penser plus loin. La majorité du Parlement européen n’est pas sur cette ligne. Nous ne sommes certes pas contre une bonne gestion budgétaire : quand la France doit rembourser, en 2012, 49 milliards d’euros pour les seuls intérêts de sa dette, on se rend compte que cela ne peut plus durer. Mais il faut aller au-delà. Nous voulons ainsi une feuille de route visant à la création d’un fonds de « rédemption » qui permettrait de communautariser la partie des dettes publiques dépassant 60 % du PIB. Cette partie serait financée par des obligations européennes émises par un Trésor européen et devrait être remboursée en vingt ans. Il s’agit d’une proposition des cinq instituts économiques allemands qui conseillent la chancelière, mais que celle-ci a écartés. Nous voulons aussi une stratégie d’investissement qui passera par l’émission d’obligations européennes afin de relancer l’économie européenne autour de projets communs. Ainsi, à côté d’un pacte de rigueur, on aurait un pacte de relance et de communautarisation des dettes européennes. Tel qu’il est, ce traité est insuffisant, voire dangereux.

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