Deux dossiers-phares : Les Arrêtés Miot et la centrale de Lucciana
Le problème est d’abord économique et social, et il est aussi bien connu en Corse que dans l’île de Ré où chacun peut observer un laboratoire « grandeur nature » de la dépossession d’une population littéralement « éjectée » de la terre qui l’a vue naître en moins d’une génération. Il est aussi connu en Suisse, où les autorités cantonales concernées, grâce à leurs pouvoirs législatifs, cherchent, et trouvent, des solutions audacieuses.
La logique économique à laquelle le peuple corse veut échapper est celle que provoque le renchérissement de la valeur des terrains en raison de la demande spéculative touristique. Car ce renchérissement, au delà de créer un intérêt manifeste à vendre, génère de facto une obligation à vendre. La pression existe au quotidien sur les propriétaires qui s’acquittent des taxes foncières indexées sur la valeur de leurs biens. Le cas est fréquent de taxes foncières qui excèdent le salaire de celui qui a hérité, et bien des mairies ne peuvent exercer leur droit de préemption en raison des coûts trop élevés des terrains, si bien que le foncier constructible est inaccessible aux programmes de logement sociaux.
Mais, en cas de suppression des arrêtés Miot, cette pression deviendra maximale sur les héritiers, d’autant plus si la succession se fait de façon indirecte, entre un oncle et ses neveux. Le résultat sera mécanique et tout à fait prévisible : la suppression des exonérations de fait sur les droits de succession générées par les dispositions issues de l’évolution des Arrêtés Miot au cours des siècles entraînera une nouvelle explosion du marché immobilier en Corse, avec toutes les dérives qui en découlent : impact sur les sites, agglomérations envahies par les résidences secondaires et progressivement désertées par les habitants permanents que l’on entasse dans des quartiers de seconde zone, et, accessoirement, les comportements mafieux, qui existent déjà, et que cet argent facile amplifiera encore.
Se pose également un problème politique de fond : s’engager, à compter de la fin 2012, dans le processus de démantèlement d’un droit spécifique à la Corse sans en créer de nouveau revient à démanteler le statut particulier de l’île. Et ce serait le faire contre la volonté de l’unanimité de la classe politique insulaire. Il reste six mois pour décider d’un moratoire que le précédent gouvernement avait promis, sans le faire. Le nouveau gouvernement socialiste doit impérativement le décider, et l’Assemblée de Corse engager le rapport de forces politique pour arracher cette décision.
Le second grand dossier est celui de l’approvisionnement énergétique de la Corse, à l’heure du renouvellement du parc de production d’électricité insulaire. Le schéma arrêté après des années de lutte est celui d’un approvisionnement au gaz naturel, assuré par un système de barge flottante disposé au large de Lucciana, et desservant, via le gazoduc Cyrénée, l’ensemble de la Corse, et notamment le futur site de la centrale d’Aiacciu. Les études ont traîné, mais les arbitrages sont intervenus, là encore durant la campagne électorale. Il s’agit de les confirmer de façon définitive. La valse des nominations sur le ministère concerné, celui de l’environnement, où Delphine Batho a remplacé de façon inattendue Nicole Bricq au lendemain des législatives, crée un flottement préjudiciable. Les travaux de Lucciana avancent, et la situation doit être définitivement clarifiée pour un démarrage sans fioul lourd, au fioul léger, en attendant le gaz naturel. C’est une urgence de toute première importance pour la Corse, et pour la crédibilité du gouvernement Ayrault sur la question corse.
Arrêtés Miot, Centrale de Lucciana : dans les semaines à venir, on en saura davantage sur les intentions du nouveau pouvoir en Corse.
François ALFONSI