Eric Besson, la politique de la terre brulée
Un mois après la destruction de la “jungle”, retour à Calais avec les migrants afghans.
Le27 octobre 2009
– par Emmanuelle Cosse
Dans la terre sableuse restent des brosses à dents, des chaussures et des blousons entremêlés à des bâches. Cela ressemble aux camps de réfugiés du Kosovo. Mais nous sommes à Calais, dans la zone industrielle. Un mois après l’opération “Calais” d’Eric Besson, la situation des migrants n’a fait qu’empirer. La “jungle”, un terrain forestier où près de 300 personnes vivaient, a été rasée pour empêcher de nouvelles installations.
Eric Besson a parlé d’une gestion de la question avec “humanité”. Il s’agit surtout de la politique de la terre brûlée. Beaucoup des migrants qui avaient fui ou avaient été arrêtés il y a un mois sont depuis revenus. La répression n’a fait que décupler leur envie d’aller en Grande-Bretagne. Nawid tente chaque nuit sa chance pour traverser la Manche. Il vient de la province de Kunduz, au nord de l’Afghanistan. “Je ne peux pas rentrer, c’est la guerre là-bas. Et ma famille a dépensé 10 000 euros pour me faire partir, je dois rembourser. Je n’ai pas d’autre choix”, explique-t-il dans un bon anglais.
De leur côté, les associations font ce qu’elles peuvent. Un nouveau lieu pour la distribution des repas a été ouvert, rue de Moscou, financé par la Région. La mairie a “végétalisé” le grilage extérieur, pour cacher cette distribution à la vue des Calaisiens. Monique Delannoy, présidente de la Belle Etoile qui assure les repas du midi, lance : “Il n’y a ni chaises, ni bancs, les migrants continuent de manger par terre. Et à 15 heures, on doit fermer les grilles sous peine de se voir virer par la municipalité UMP.” Cette dernière a refusé au HCR l’ouverture d’une permanence juridique. La députée européenne Hélène Flautre (Europe Ecologie), venue à Calais avec une délégation d’élus, s’insurge : “Voilà toute l’incohérence de cette politique. On rase, on fait fuir et on n’informe pas sur le droit d’asile. Ce n’est pas la réponse adéquate à leur demande de protection.”
Ce que ne dit pas non plus Eric Besson, c’est que parmi les 202 nouveaux demandeurs d’asile qui se sont manifestés depuis un mois, près de la moitié sont victimes de la convention de Dublin – qui leur impose de retourner dans le premier pays européen qui a enregistré leur présence – en général la Grèce. Jean Lambert, eurodéputée britannique verte, souligne que “dans ce pays, moins d’1 % des demandes d’asile sont acceptées”. La préfecture du Nord-Pas-de-Calais n’hésite pourtant pas à remettre à ces demandeurs une lettre les enjoignant de “se rendre par leurs propres moyens” en Grèce, et à leur assurer que leur demande sera validée là-bas. Il semble bien qu’à Calais, l’Etat ne veuille en aucun cas assumer ses obligations de protection des réfugiés.