Gaz de schiste : la campagne européenne est lancée

En France, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique, en Suède et en Pologne, des initiatives citoyennes contestant l’exploration du gaz de schiste ont vu le jour. Elles mobilisent un nombre croissant de citoyens soucieux des conséquences pour la santé et l’environnement en Europe. Michèle Rivasi et José Bové ont réuni ces collectifs les 13 et 14 avril 2011 au Parlement européen.
« Que savez-vous de la mobilisation au Royaume-Uni ? » Réunis autour d’une table ovale, des militants « anti-gaz de schiste » venus de sept pays différents prennent la température : en Suède, c’est gagné, le gouvernement a reculé et annoncé l’interdiction des explorations de ce gaz non-conventionnel emprisonné dans les couches sédimentaires très profondes. En Pologne en revanche, l’opinion publique a du mal à s’emparer du sujet alors que l’Etat voit, dans cette ressource, un moyen d’acquérir son indépendance énergétique. En France, les représentants des mouvements « Gaz de schiste, non merci », José Bové en tête, sont optimistes : le projet de loi pour abroger les permis d’exploration du gaz de schiste sera examiné en urgence et débattu en séance publique le 10 mai 2011, expliquent-ils à leurs collègues. La mobilisation a eu une ampleur formidable dans des « lieux traditionnels de résistance », comme l’Ardèche, les Cévennes ou le Larzac, mais aussi en Ile-de-France, et elle se poursuivra lors d’une journée d’action nationale le 16 avril. « François Fillon, le Premier ministre, s’est prononcé pour dire que ces permis ont été mal accordés, mal faits. Nous, on va rester vigilants sur la loi, précise José Bové. Et il faut encore reconstruire le code minier qui, en France, date de 1956 et est complètement désuet sur la question de l’eau et de la démocratie. »

A côté de lui, Michèle Rivasi, eurodéputée Europe Ecologie – Les Verts, rappelle l’importance de la dimension européenne de ce combat. Pour elle, les gaz de schiste, c’est « ni ici, ni ailleurs, ni en France, ni en Europe ». Pour comprendre la position de la Commission européenne sur ce sujet sensible, deux représentants des directions générales de l’Environnement et de l’Energie, ont été invités au débat. Leur son de cloche diffère du discours inquiet de l’hydrogéologue français, Severin Pistre et du spécialiste hollandais des gaz à effets de serre, Kees Van Der Leun, également conviés. L’exécutif européen tient en effet un discours poli : les Etats-membres doivent prendre en compte l’environnement dans leur choix énergétique, mais ils doivent aussi diversifier leur mix énergétique. Pour la Commission, le gaz de schiste est donc une option supplémentaire à ne pas ignorer.

D’un point de vue environnemental, plusieurs directives peuvent s’appliquer à l’extraction des gaz non-conventionnel et à la fracturation hydraulique. Elles établissent un cadre légal et des objectifs pour tous les Etats-membres. Une directive de 2006 statue par exemple sur « la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration » et une directive-cadre sur l’eau, adoptée en 2000, protège cette ressource et les éco-systèmes qui en dépendent. Chaque Etat est libre des moyens utilisés pour réaliser ces progrès. Encore faut-il être d’accord sur les dangers réels de l’extraction du gaz de schiste. La Commission n’est pas déterminée sur le risque de pollution des couches moins perméables (et donc des nappes phréatiques) et pose plusieurs questions, sans apporter de réponses : l’empreinte carbone, la composition du cocktail chimique utilisé lors de la fracturation hydraulique, et le retraitement des déchets et des eaux, par exemple, doivent faire l’objet, selon elle, « de plus d’attentions ».

Pour les écologistes, il y a urgence : plusieurs pays sont concernés en Europe et un premier forage aurait déjà eu lieu en Grande-Bretagne. Pour réaffirmer le principe de précaution et inciter la Commission européenne a agir, les eurodéputés ainsi que les participants ont décidé d’adresser une lettre aux trois commissaires européens pour l’énergie, l’environnement et également le climat, afin de leur demander :

– l’organisation d’un débat, au niveau européen, sur le gaz de schiste avec toutes les parties prenantes, y compris des représentants de la société civile – avant l’été 2011.
– obtenir la garantie que l’Agence européenne des produits chimiques ait accès à l’ensemble des informations concernant les produits chimiques sensés être utilisés lors de la fracturation hydraulique afin qu’elle puisse analyser cette information et en informer le public.
– réaliser une étude d’impact environnementale sur l’empreinte écologique et sur les gaz à effet de serre (directs ou indirects) qui découlent de ces activités.
– soutenir la demande de moratoire récemment introduite par le « Tyndall Centre for climate change research » tant que l’Agence de protection de l’environnement des Etats-Unis n’a pas plus publié son rapport sur les impacts environnementaux du gaz de schiste.

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