Identité nationale

18 novembre 2009
Nicolas Sarkozy a fait de l’identité nationale son nouveau cheval de bataille à quelques mois des élections régionales. Beaucoup y voient un dérivatif opportuniste pour continuer l’OPA sur le Front National, par la manipulation du thème de l’immigration de façon détournée. Jeu dangereux par excellence. Sans compter que le débat récurrent sur la « nation française » et son credo universaliste suranné est un exercice dangereux pour les peuples dits « minoritaires », dans l’hexagone comme outremer, et pour toutes les cultures existant sur le territoire de la République. L’identité française « version officielle » déteste l’altérité !

Le modèle français vit son identité à travers un territoire sacralisé que chaque soir la télévision rappelle sur ses écrans météo. Et son « indivisibilité » ne s’applique pas qu’aux frontières ; elle présuppose la totale uniformité à l’intérieur des frontières : tous égaux en français, ça se traduit par tous pareils !

Cette intériorisation des frontières et de l’uniformisation de l’espace qu’elles enserrent est telle que la France est probablement le seul pays dont les dirigeants ont osé prétendre, défiant le ridicule, que le nuage de Tchernobyl était resté bloqué à ses frontières ; et, plus incroyable encore, à l’époque, ces dirigeants ont été cru par une large majorité de la population !

Car la rigidité de ce schéma de pensée est très grand, il est largement assimilé par la population et il traverse les catégories politiques habituelles. C’est même, historiquement, un problème qui aurait pu avoir des conséquences graves quand, à propos de l’Algérie, il avait été postulé que, devenues « départements français », ces contrées ne pouvaient plus qu’être françaises ad vitam aeternam. Cette vision « idéologique » a longtemps primé sur le réalisme le plus évident dans les classes dirigeantes de la France, au point que, quand De Gaulle a changé le discours officiel, on a frôlé le coup d’État militaire, alors que la démocratie était installée en France depuis bien plus d’un siècle. Le débat sur l’identité, en France, est une source chronique de crise politique grave ! Nous en savons quelque chose en Corse avec les épisodes Poniatowski, Pasqua, Chevènement et autres Bernard Bonnet.

Avec l’émergence du fait européen, ce modèle français vit des moments difficiles. Par principe, la construction européenne bouscule les frontières, et elle manifeste que les citoyens européens sont certes égaux, mais certainement pas pareils. La ruche polyglotte du Parlement Européen est le témoignage quotidien de cette « union dans la diversité ».

De fait, les français sont de mieux en mieux informés des réalités de l’Europe. Ils savent que la Wallonie, pourtant hors de l’hexagone sacralisé des frontières françaises, est, en termes d’identité, beaucoup plus « française » que l’Alsace ou la Corse ! Car l’Histoire commune accomplie depuis Charlemagne entre le Bassin Parisien et la Wallonie est beaucoup plus importante que celle partagée depuis la Révolution avec la Corse. C’est même d’ailleurs très exactement pour cela que la Wallonie est de culture parfaitement française, avec ses générations d’artistes que tout le monde considère comme français. Alors que Tino Rossi, bien que français de carte d’identité depuis des générations, faisait vivre, à bien des égards, une autre réalité culturelle.

L’identité nationale française est hautement respectable, et comme pour tous les peuples, elle a su porter les valeurs de la liberté. Le nationalisme français n’est pas moins valeureux et moins justifié que tout autre quand il se bat pour son peuple. Mais, à côté d’un Jean Moulin luttant par engagement patriotique contre l’occupation nazie, le nationalisme français s’est aussi identifié à des politiques coloniales de pays dominateur, produisant des généraux et des administrateurs coloniaux qui ont opprimé d’autres peuples en commettant des atrocités, et cela dès le Moyen Âge, (le massacre des Cathares en Occitanie), en passant par les révolutionnaires auréolés des « droits de l’Homme », en Corse et ailleurs, et jusqu’aux conquêtes coloniales.

Aujourd’hui, cette tradition rigide et absolutiste se trouve confrontée au problème de l’immigration. Elle y répond avec les mêmes réflexes : uniformité et destruction des identités collectives. Nos amis berbères/amazigh en savent quelque chose qui, entre le laminoir répressif des Etats maghrébins et l’intégration contrainte dans le « moule national unique » de la France, sont en train de vivre la disparition programmée d’une culture millénaire.
En France, l’altérité doit être détruite à tout prix dès l’instant qu’elle s’exprime à l’intérieur du territoire sacralisé de « la souveraineté nationale ». Les immigrés du nord de l’Afrique devront ainsi perdre coûte que coûte leur langue naturelle, alors que sa connaissance leur ouvrait naturellement les portes de l’avenir dans toutes les fonctions économiques, administratives et culturelles qui seront générées par les échanges futurs entre les deux rives de la Méditerranée. Tout comme les Corses ont été sciemment coupés de leur place naturelle dans la sphère italique.

L’identité nationale « à la française » est vécue non pas comme un être collectif en construction, mais comme l’acte de souveraineté absolue d’un modèle préformaté que les dirigeants exaltent pour rassurer le bon peuple aujourd’hui en proie aux tensions de l’immigration. Et on sent bien que toute l’agitation actuelle autour de ce thème ne porte rien de bon, si ce n’est un mécanisme bien réactionnaire, et très typique, de repli sur soi.

François ALFONSI

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