La crise de la zone euro rend la gauche fédéraliste

4 octobre 2011
5 octobre 2011

Le Monde

Souvent dans l’opposition, les partis sociaux-démocrates et verts veulent
davantage d’intégration européenne

Une gauche plus volontariste et une droite aux prises avec la montée des
populismes : la crise des dettes souveraines redistribue les cartes du
débat sur l’Europe dans la zone euro.

Les partis de gauche, dans l’opposition en France, en Allemagne ou en
Italie, peaufinent leurs propositions pour surmonter la crise, une fois
revenus au pouvoir : la survie de l’Union monétaire passerait, selon eux,
par un sursaut fédéral et un renforcement des institutions communautaires,
Commission et Parlement.

Une parade plus difficile à assumer pour les partis conservateurs, qui
dirigent 21 des 27 gouvernements européens. Ces derniers sont davantage
impliqués dans la gestion au jour le jour de la crise et plus sensibles à
la pression d’extrêmes droites dont le discours antieuropéen se nourrit
des
déboires de l’euro.

L’Italien Massimo D’Alema en est convaincu :  » La récente victoire des
sociaux-démocrates danois, en septembre, peut être le prélude au retour de
la gauche aux affaires.  » Mais une gauche  » européiste « , selon l’ancien
premier ministre, c’est-à-dire favorable à la mise en place des eurobonds
et d’un véritable gouvernement économique européen, ou prête à gérer les
flux migratoires sans transformer l’Europe en forteresse.

L’une des premières mesures de la nouvelle première ministre danoise,
Helle Thorning-Schmidt, a été de lever les contrôles aux frontières mis en
place, au grand dam de Bruxelles, par l’ancien gouvernement de
centre-droit. A ce jour, seuls six pays européens sur vingt-sept sont
dirigés par la gauche – le Danemark, donc, et cinq pays de l’euro,
l’Espagne, l’Autriche, la Slovénie, la Grèce et Chypre.

Pour M. D’Alema, qui préside la Fondation européenne d’études
progressistes,  » il s’agit de tirer la leçon des erreurs faites dans les
années 1990 quand la gauche dominait la scène politique européenne sans
être capable de faire avancer l’intégration européenne, en dépit de la
création de l’euro « . A l’époque, l’Allemand Gerhard Schröder et le
Français Lionel Jospin ne s’entendaient pas. Le chancelier était plus
tenté
par la vision d’un Tony Blair, partisan d’une Europe élargie et
libre-échangiste. Il se méfiait des appels en faveur d’un gouvernement
économique cher aux dirigeants français, soucieux, de leur côté, de faire
contrepoids à l’indépendance de la Banque centrale européenne (BCE).

Crise oblige, les positions ont évolué. Le rôle de la BCE fait peu ou prou
consensus, tant elle a su démontrer, à l’inverse des dirigeants en place,
sa capacité à gérer la crise. Le gouvernement économique n’est plus tabou,
même si la droite au pouvoir, que ce soit Nicolas Sarkozy en France ou
Angela Merkel en Allemagne, s’en fait une idée très intergouvernementale,
au détriment des institutions communautaires.

En Allemagne, comme en France ou en Italie, les partis de gauche affirment
vouloir  » relancer  » la construction européenne :  » Nous sommes attendus
sur cet agenda en cas de victoire en 2012 « , veut croire l’eurodéputée
socialiste Catherine Trautmann. Le Parti socialiste tente depuis des mois
de se rapprocher des sociaux-démocrates allemands pour offrir une
alternative crédible. Depuis 2005, et le  » non  » à la Constitution
européenne, le PS prétend avoir surmonté ses divisions sur l’Europe :  »
Tout le monde se retrouve sur une ligne fédérale « , assure même un
eurodéputé issu de l’aile gauche de la formation.

Même mouvement chez les Verts, en particulier en Allemagne, où Die Grünen
font quasiment jeu égal avec les sociaux-démocrates.  » Pour sortir de la
crise, il nous faut aller vers plus d’intégration européenne, dit Cem
Özdemir, le coprésident des Verts allemands. Il est nécessaire de créer un
véritable gouvernement économique européen qui doit être formé au sein de
la Commission et contrôlé par les députés européens des pays de la zone
euro.  »

Des deux côtés du Rhin, les écologistes travaillent d’ailleurs à une
plateforme commune afin de préparer ce qu’ils appellent la  » double
alternance  » : celle de 2012 en France puis celle de 2013 en Allemagne. Un
séminaire en ce sens a eu lieu, vendredi 30 septembre, à Paris. Le
prochain
se tiendra en janvier à Berlin.

Pour les Verts, le saut fédéral concernera, d’abord, la mutualisation des
dettes et les questions fiscales, en échange d’une surveillance centrale
accrue des politiques économiques nationales. Mais en laissant de côté
l’harmonisation sociale. Il devrait aussi s’accompagner de progrès en
matière de contrôle démocratique.

 » Les partis de gauche sont moins sous la pression des intérêts nationaux,
contrairement aux partis au pouvoir, observe l’eurodéputé écologiste
Pascal
Canfin, mais notre démarche n’est pas seulement une posture d’opposant :
notre base électorale est ouverte à la fois à plus de solidarité, et à
plus
de fédéralisme.  »

Le positionnement de la gauche constitue un défi pour la droite, tandis
que les élections vont se succéder dans les trois ans à venir.  » Si la
famille chrétienne-démocrate veut résister aux forces populistes, elle se
doit de retrouver les valeurs fédéralistes européennes de ses origines « ,
juge Michel Barnier, le commissaire européen au marché intérieur. Pour le
vice-président du Parti populaire européen, la formation qui rassemble les
partis conservateurs, les prochains rendez-vous électoraux se joueront
autour de deux questions intimement mêlées depuis le déclenchement de la
crise : le surendettement et l’intégration européenne.

Par rapport à la gauche, où l’on veut ménager des marges à la relance de
l’économie, la droite est plus à l’aise pour mener des politiques
d’austérité. Mais elle l’est beaucoup moins pour aller vers plus d’Europe.
Certaines formations de droite, comme Forza Italia de Silvio Berlusconi,
se
sont peu à peu éloignées du projet européen ces dernières années.

D’autres sont, beaucoup plus que la gauche, fragilisées par la montée en
puissance des formations populistes franchement anti-européennes. C’est le
cas du libéral Mark Rutte aux Pays-Bas, dont le gouvernement minoritaire
doit composer avec l’extrême droite dirigée par Geert Wilders. Ou de
Nicolas Sarkozy, face au Front national.

En Allemagne, Angela Merkel est handicapée par ses partenaires de
coalition : la CSU bavaroise et les libéraux du FDP, deux partis qui
renâclent à sauver la Grèce.

Philippe Ricard

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