Le couplet allemand de Nicolas Sarkozy sonne faux

18 février 2012
Le long marathon de la campagne électorale des élections présidentielles s’approche de la phase décisive. Pas encore la « cloche » du dernier tour, celle qui lance le sprint final, mais déjà les manœuvres d’approche pour essayer de se placer au mieux. Celui qui fait la course en tête veut creuser l’écart, et les autres veulent refaire leur retard.
Ainsi, François Hollande gomme une à une les aspérités de son programme, afin de conforter toutes les intentions de vote en sa faveur. Le grand meeting du Bourget a été consacré à cet objectif, avec un écho médiatique maximum. L’exercice semble facile, mais il est dangereux, car, à force de vouloir contenter tout le monde, le risque est grand de ne plus satisfaire personne. Et surtout, on finit par arriver à un programme plus électoraliste qu’électoral, avec une avalanche de promesses, mais aucune crédibilité pour les mettre en application.

Nicolas Sarkozy n’est pas moins à la manœuvre. Sa double identité de Président en exercice et de candidat à l’élection lui ouvre un espace propre qu’il veut utiliser jusqu’au bout en ne déclarant pas encore officiellement sa candidature. Il lui permet notamment de mobiliser simultanément pas moins de huit chaînes de télévision pour diffuser en direct la même interview à une même heure de très grande écoute. Son objectif affiché était de répondre à la crise économique que la France traverse ; et son objectif semi-avoué de se relancer dans une course à l’élection présidentielle plutôt mal engagée pour lui.

De cette intervention télévisée, qu’en est-il ressorti ? Tout d’abord il semble que le Président encore en exercice est au moins autant en difficulté que le candidat en puissance. Augmenter la TVA de presque 10%, en la passant de 19,6% à plus de 21%, est une décision de dernier ressort dans l’arsenal d’un gouvernant. C’est la décision à effet immédiat que l’on prend en général quand les caisses sont vides ! La Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Hongrie l’ont fait récemment. Que la France le fasse à son tour n’est guère rassurant. Certes l’habillage d’une « TVA sociale » compensant des baisses de charge pour les entreprises essaie d’atténuer l’effet « sauve qui peut » de cette mesure d’augmentation de la pression fiscale et d’amputation du pouvoir d’achat. Mais l’improvisation domine, et elle donne le sentiment d’une démarche d’urgence face à des marchés pour qui la situation économique de la France est encore surévaluée malgré la récente perte de la notation « triple A » accordée jusque là par l’agence Standard and Poor’s. Une nouvelle dégradation avant que l’élection n’ait lieu serait une catastrophe pour le candidat. Aussi « l’encore président » annonce-t-il, « pour octobre », la seule mesure de renflouement qui pourrait reporter à plus tard une telle échéance.
L’autre axe martelé lors de son intervention par Nicolas Sarkozy a été d’essayer d’arrimer le futur économique de la France aux « bonnes pratiques » de la référence allemande, à l’insolente bonne santé économique. Cette sage résolution aurait pu être prise bien avant, et, le moins que l’on pourrait attendre, c’est qu’elle soit effective. Or Nicolas Sarkozy brandit très haut « l’exemple allemand », mais il en occulte l’essentiel.
Ainsi, pas la moindre allusion à la politique énergétique de l’Allemagne, et à sa décision de sortir définitivement du nucléaire. Être à la fois le champion du tout nucléaire en France, et se revendiquer de « l’exemple allemand » dont l’abandon du nucléaire est le choix stratégique le plus marquant de ces derniers mois, c’est particulièrement gonflé. Et cela montre à quel point la campagne électorale est avant tout un jeu médiatique faussé : sur ces télés entièrement contrôlées par les grands groupes qui prospèrent grâce à l’industrie nucléaire, il n’y a bien sûr pas eu un seul journaliste pour relever le fait. C’est tellement plus confortable de s’en prendre à Éva Joly ! Et tellement plus recommandé si l’on veut faire carrière !

Il est un autre point toujours occulté, mais qui n’est pas moins important. C’est pourtant Wolfgang Schaüble, le ministre allemand de l’économie, bras droit d’Angela Merkel et « homme fort » de la politique économique allemande, qui l’a souligné dans une récente interview donnée au quotidien Le Monde. Interrogé sur ce qui, selon lui, était l’élément déterminant qui pouvait expliquer la bonne santé allemande par rapport aux difficultés françaises, il a mis l’accent sur une réalité structurelle pour lui essentielle : l’Allemagne fédérale, aux länders très puissants, a une structure d’État beaucoup plus adaptée qu’une France centralisée à l’extrême, uniforme et uniformisatrice.

A part Europe Écologie, pas un seul programme n’engage le projet d’une réforme institutionnelle de ce type pour la France. En ce sens l’élection présidentielle de 2012 sera un rendez-vous manqué.

François ALFONSI

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