Hélène Flautre : « La France reste sous surveillance de l’Europe »
Au niveau européen, quelles ont été les effets de la polémique française de l’été dernier au sujet des Roms ?
Cela n’a pas seulement été une polémique car, au-delà du discours discriminant, ce sont les pratiques illégales de la France (procédures d’expulsion sans examen des cas individuels) qui ont été vivement critiquées par les institutions européennes. Et notamment par la commissaire [de la Justice, des Droits fondamentaux et de la Citoyenneté, ndlr] Viviane Reding. En 2008, l’Italie avait déjà été pointée du doigt pour la façon dont elle traitait les Roms, ce qui a d’ailleurs conduit au premier sommet européen consacré à cette question. Les réactions européennes aux discours et pratiques françaises ont été d’autant plus fortes qu’elles intervenaient après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qui fixe un objectif d’égalité d’accès au droit des citoyens européens dans le cadre de la Charte des droits fondamentaux.
Où en est-on des poursuites européennes contre la France ?
Une procédure en infraction a été engagée en octobre contre la France pour n’avoir pas transposé dans son droit la directive 2004 sur la liberté de circulation. La France a été mise en demeure de présenter un plan crédible pour y remédier. Elle l’a fait, mais à la dernière minute, signe d’une mauvaise volonté. La procédure est suspendue, mais le pays reste sous surveillance.
Y a-t-il des avancées politiques au niveau européen ?
A l’automne, la Commission a mis en place une task force, qui a défini une stratégie globale au niveau de l’Europe pour l’inclusion des Roms, plus importante minorité européenne avec 10 à 12 millions de personnes. Ce plan est européen, ce qui permet de sortir d’un schéma où chacun se renvoie la balle. Dans le cadre de cette stratégie, chaque pays a obligation de proposer d’ici la fin de l’année un plan concret d’intégration des Roms. Il s’articule autour de quatre axes : l’égalité face au logement, à l’emploi, à l’éducation et à la santé. Un rapport annuel sera rendu au Parlement et au Conseil, ce qui devrait permettre une évaluation précise des résultats de chaque pays. Même si cette stratégie constitue une véritable avancée, j’observe certaines limites, notamment en matière d’accès au droit et de lutte contre les stigmatisations. On peut également déplorer que les Roms ne soient pas assez convoqués dans l’élaboration de ces stratégies. Dans tous les cas, il est essentiel que les acteurs associatifs et institutionnels des territoires fournissent leurs propres contributions.
L’été dernier, on a beaucoup critiqué les pays dont sont originaires les Roms, accusés de ne rien faire pour leur intégration ou de mal utiliser les fonds européens. Qu’en est-il ?
D’un point de vue européen, je ne trouve pas pertinent de parler de pays d’origine, car les Roms sont avant tout des citoyens européens. Il est faux de dire que des Etats tels que la Roumanie ou la Bulgarie ne font rien. Des politiques publiques proactives sont mises en place, mais elles ne suffisent pas à enrayer les discriminations sociales et politiques. Il est vrai que les fonds européens ne sont pas toujours bien utilisés par ces Etats, mais c’est aussi le cas dans les autres pays de l’Union, dont la France. Je ne pense pas qu’il faille des fonds exclusifs pour les Roms car à mon sens, cela conduirait à opposer les pauvres aux plus pauvres.
Que penser des mesures transitoires qui limitent les conditions d’accès à l’emploi des citoyens européens dont les Etats sont entrés dans l’Union Européenne en 2007 (Bulgarie, Roumanie) ?
Elles doivent prendre fin en décembre, mais peuvent être prorogées jusqu’en 2013. Une dizaine de pays de l’Union n’ont pas mis en œuvre ces mesures transitoires de restriction et il n’y a pas eu de problèmes particuliers. Ces mesures sont en fait un véritable obstacle à la participation économique et sociale. Je crois qu’il faut dès maintenant se tourner vers l’avenir et mettre en place des politiques en vue d’une intégration réussie des populations roms.