Nagoya : la biodiversité retrouve des couleurs
Ressources . Les négociations entre les 193 Etats présents à la convention progressent depuis deux jours.
Les délégués des 193 pays présents à la Convention de Nagoya sur la biodiversité, parmi lesquels 5 chefs d’Etat et 120 ministres, auront bataillé dur, depuis le 18 octobre, pour éviter un «Copenhague bis». Hier, l’espoir prévalait (malgré les désaccords entre le Brésil et l’UE), auréolé d’une pluie de milliards.
Après un départ difficile, les négociations ont progressé les deux derniers jours. Hier, les délégués s’entendaient sur 15 des 20 objectifs déclinés dans le plan stratégique de la convention (habitat, protection des espèces…). Les efforts pour accroître à 15% la superficie des océans protégés restaient bloqués par l’Inde et la Chine – souvent absentes des débats.
Gènes. L’objectif, dans la toute dernière ligne droite, est de s’entendre sur le texte du protocole dit ABS (Accès et partage des avantages), définissant les conditions d’accès aux gènes des pays pauvres, riches en micro-organismes, plantes, et animaux prisés des géants industriels du Nord. L’eurodéputée Sandrine Bélier, d’Europe Ecologie, assure avoir «bon espoir que soit conclu un accord juste et ambitieux, composé d’un plan stratégique, d’un protocole ABS et d’une stratégie de mobilisation des ressources. La Belgique, le Japon et la France se sont déjà engagés, à qui le tour ?»«Nous sommes optimistes sur le résultat», assurait hier Izabella Teixeira, la ministre brésilienne de l’Environnement, chaque partie recherchant un «protocole satisfaisant» selon Claudio Chiarolla, de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).
Il n’empêche, ces derniers jours, les discussions bloquaient sur un point : la rétroactivité du texte. Parmi le G77 (133 pays en développement), des Etats, la plupart africains, insistent pour que le protocole s’applique aux produits développés depuis 1993 (date d’impulsion de la convention), voire avant. Etats développés et multinationales, intérêts commerciaux obligent, sont totalement contre.
Signe d’une volonté collective, des mesures phares ont été annoncées. Le Premier ministre japonais, Naoto Kan, a promis 2 milliards de dollars (1,43 milliard d’euros) sur trois ans, dès 2010, pour aider les pays en développement dans leurs efforts de conservation (l’UE débloque déjà 1 milliard d’euros par an). «2 milliards ! Cela dépasse nos attentes. Cet investissement injecte beaucoup d’enthousiasme», réagit Russell Mittermeier, président de l’ONG Conservation International.
Empreinte. D’ici à 2012, la France va de son côté porter à 200 millions d’euros son fonds d’aide pour la biodiversité (entre 2011 et 2020, l’enveloppe tricolore totalisera 4 milliards d’euros). Les enjeux sont de taille : la sauvegarde des écosystèmes, alors que l’empreinte écologique humaine (pollution, bouleversement du climat, surexploitation) a doublé depuis 1996. «20 millions d’hectares de forêts et de sols disparaissent chaque année. A ce rythme, nous allons dans le mur», confie Luc Gnacadja, secrétaire exécutif de l’ONU pour la lutte contre la désertification, qui met au passage en garde contre un accord triomphaliste mais sans volonté politique. «En matière de défis posés par les écosystèmes, ajoute-t-il, il n’y a pas de compartiment. Hélas, on a construit des tours d’ivoire autour des sommets [Stockholm en 1972, Rio en 1992, Kyoto en 1997, Johannesburg en 2002, Copenhague en 2009, ndlr]. Il faut abattre les murs gênant leur application et veiller à une mise en œuvre intégrée des accords». Nagoya aura peut-être sonné l’heure du réveil des consciences.
Envoyé spécial à Nagoya,Michel Temman